Pollueurs et braconniers dans le viseur de la fédération de pêche de la Creuse
Les salariés de la fédération départementale de pêche, accompagnés par une dizaine de bénévoles, étaient réunis pour une session de pêche électrique sur le ruisseau de la Mourne, à quelques kilomètres de Bourganeuf. Cette méthode de pêche a pour objectif d’analyser les espèces piscicoles présentes dans les rivières pour déduire la qualité de l’eau et la richesse de la biodiversité.
La qualité de l’eau est plutôt bonneSur une section de 100 mètres d’un cours d’eau, le groupe équipé de cuissardes et de gants remonte le ruisseau à contre-courant. Les salariés de la fédération de pêche étourdissent les poissons quelques secondes grâce à un courant électrique, puis les bénévoles les prélèvent via une épuisette.
Les poissons sont ensuite transportés dans des seaux jusqu’à la table de comptage où ils sont triés par espèces, comptés et mesurés. « Grâce à ces chiffres, on peut faire un suivi piscicole », explique Guillaume Perrier, un des quatre salariés sur le département.
En Creuse, la qualité de l’eau est plutôt bonne comme nous l’explique Yannick Bartheld, lui aussi salarié de la fédération départementale de pêche. « On est dans un département qui est quand même préservé. Il y a quelques points sensibles, mais les pollutions restent superficielles. On n’a pas de mortalité comme il y a eu à Tulle, il y a 7-8 ans, où des tonnes de poissons sont morts. C’est une pollution environnementale globale plutôt qu’envers les poissons. »
La biodiversité impactée par les pollutions…En revanche, si les impacts sont moins visibles, les pollutions dues aux rejets des stations d’épuration sont bien réelles. Aujourd’hui, on ne sait pas traiter les médicaments, ni les pesticides présents dans l’eau. Par conséquent, ces molécules se déversent dans les rivières et abîment la biodiversité.Session de pêche électrique organisée par la fédération départementale de pêche.
De plus, au-delà des pollutions régulières, certaines pollutions importantes (plus ponctuelles heureusement) peuvent faire courir de graves dangers à la biodiversité des rivières. « La dernière pollution en date, c’était un rejet d’huile de vidange », se souvient Yannick Bartheld. En juillet 2023, la Creuse avait été polluée à Aubusson par un homme qui avait versé de l’huile de moteur dans les égouts de la ville. « Le Sdis 23 est intervenu tout de suite, ils ont pu endiguer le nuage donc ça s’est résorbé assez vite. »
Interrogé sur les mesures à mettre en place pour éviter de telles pollutions, la réponse est claire. « La réglementation est déjà restrictive. Le tout, c’est de la faire respecter. Malheureusement, on a à faire à des pollutions volontaires. Faire sa vidange dans une bouche d’égout à Aubusson, c’est déjà interdit… »
… et le braconnageEn plus des pollutions, le braconnage impacte également de manière très néfaste la biodiversité des rivières. En contrebas de Bourganeuf, sur le ruisseau de la Mourne, à l’endroit où se déroule l’opération, l’impact du braconnage est bien visible. « C’est une catastrophe », se désole Christian Perrier, le président de la fédération de pêche en Creuse. « Sur le secteur, on le voit. On a presque 30 poissons de moins. Ça veut dire qu’il y a eu un prélèvement interdit », constate Yannick Bartheld. « Depuis plusieurs années, on observe une augmentation stable et là, on va redescendre parce que c’est pillé en permanence. »
Sur le site, un passage a été dessiné par les allées et venues dans les herbes hautes. « C’est une propriété privée, interdite, et une réserve de pêche, mais ces personnes-là ne respectent ni les quotas, ni les clôtures, ni les propriétaires, ils ne respectent rien. Ce ne sont pas des pêcheurs, ce sont des braconniers. »
De plus, les salariés de la fédération de pêche ont remarqué que certains braconniers n’hésitent pas à jeter le poisson après l’avoir pêché. « Ils ne consomment pas le poisson. C’est un acte de malveillance totale, de bout en bout. »
4.000 km de ruisseaux à surveillerPour endiguer ce fléau, la première solution mise en avant est l’augmentation du nombre de contrôles. « Il y a 4.000 km de ruisseaux à surveiller et on a deux gardes », déplore Christian Perrier. Yannick Bartheld constate lui aussi ce problème. « Il faut plus de contrôle de la part des services de l’État, de la gendarmerie. Et surtout, quand l’infraction est relevée par procédure, il faut qu’il y ait une réponse pénale derrière. »
Pour lui, la loi et les sanctions actuelles n’encouragent pas à respecter la réglementation. « Les sanctions ne sont pas suffisamment fortes. Il y a un minimum et pourtant, la sanction est souvent en deçà. Il arrive que des gens qui pêchent sans carte aient une amende de 68 euros alors que la carte de pêche vaut plus que 90 euros. »
Texte et photos : Lucas Robin-Lamotte