Agiter le spectre d’un putsch, la stratégie de Biden et Harris pour battre Trump
Vainqueur ou perdant, Donald Trump constituerait un danger pour la démocratie américaine. Tel est le message qu’a tenté de faire passer Joe Biden dans une interview accordée à la chaîne CBS et qui sera diffusée intégralement ce dimanche 11 août. La première depuis son retrait de la course à la Maison-Blanche le 20 juillet dernier, et l’adoubement de sa vice-présidente Kamala Harris pour affronter le candidat du parti républicain.
"Si Trump gagne, non, je ne suis pas du tout confiant. Et si Trump perd, je ne suis pas du tout confiant non plus", peut-on l’entendre déclarer dans un extrait publié sur le compte X de la chaîne américaine. Et de surenchérir : lorsque Donald Trump évoque des "bains de sang" en cas de défaite, ou parle d’élection "volée", "il pense ce qu’il dit, nous ne le prenons pas au sérieux mais il est sincère".
Le spectre d’un nouveau 6 janvier
Une référence directe du président américain à la série de déclarations plus ou moins récentes du candidat républicain à la présidentielle de novembre prochain. En marge d’un meeting dans l’Ohio en mars dernier par exemple, Donald Trump s’est prêté à des mises en garde à tonalité prophétique : "Si je ne suis pas élu, ce sera un bain de sang. C’est le moins que l’on puisse dire". Et de marteler : "Ce sera un bain de sang pour le pays." Et alors que son prompteur lui faisait défaut en raison de vents violents, le milliardaire s’enfonce : "Je ne pense pas qu’il y aura d’autres élections dans ce pays si nous ne gagnons pas cette élection… Certainement pas une élection qui ait un sens."
De quoi donner du grain à moudre au camp d’en face qui résume la séquence par un bref : "Voilà ce qu’est Donald Trump", "son extrémisme, son affection pour la violence et sa soif de vengeance", ajoute alors le porte-parole de la campagne de Joe Biden, James Singer. Le même pour qui le candidat républicain laisse entre-apercevoir ce qui résonne selon lui comme une évidence : "Trump veut un autre 6 janvier." Ce jour de 2021 où le président sortant, vaincu deux mois plus tôt, encourage des centaines de partisans chauffés à blanc à marcher sur le Capitole, le siège du Congrès américain. Bilan de l’assaut : cinq morts dont un policier et plus d’une centaine de blessés.
Le nouvel axe d’attaque du camp démocrate
Trois ans et demi plus tard, Donald Trump n’a toujours pas été définitivement jugé. Son procès fédéral, qui devait avoir lieu le 4 mars dernier a été ajourné sine die après que la Cour suprême a accepté de se saisir de la question en février dernier. Début juillet, la plus haute instance judiciaire à majorité conservatrice a repoussé une nouvelle fois l’échéance, en actant l’extension de l’immunité du président américain à l’ensemble "des actes officiels" accomplis sous le mandat présidentiel. Une décision "qui joue clairement en faveur de Donald Trump", souligne auprès de L’Express Françoise Coste, professeure à l’Université de Toulouse Jean Jaurès et spécialiste des Etats-Unis. Et qui inquiète le couple exécutif.
Car l’extension de l’immunité présidentielle pourrait inciter le chantre du MAGA (pour Make America Great Again, slogan de campagne utilisé par Ronald Reagan lors de la campagne présidentielle de 1980 et reprise par Donald Trump) à récidiver en cas de défaite à l’élection suprême en novembre prochain. "C’est une crainte évidente, Trump sent que la Cour lui a donné un chèque en blanc et prépare l’opinion à de nouvelles dérives", explique la spécialiste Françoise Coste.
Raison pour laquelle, les démocrates pourraient bien être tentés de faire du spectre d’un putsch, le thème central de la campagne présidentielle. Le 29 juillet dernier, Joe Biden a d’ailleurs jeté un pavé dans la mare en plaidant en faveur d’un amendement constitutionnel retirant au président l’immunité "pour les crimes commis dans l’exercice de ses fonctions" et en proposant une refonte de la sacro-sainte Cour suprême. Un projet qu’il sait de toute évidence "mort-né", mais qui s’intègre dans une stratégie de campagne plus large visant à imposer l’idée selon laquelle le système démocratique américain serait plus que jamais menacé par le retour au pouvoir de l’homme d’affaires.