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Август
2024

Quels livres lire par destination ? S’aérer l’esprit en restant en France

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D’abord, félicitations : vous avez (sans doute) refusé de prendre l’avion. Si vous avez décidé de passer vos vacances en France, ou si tout simplement vous ne pouvez pas partir car vous devez travailler ou êtes fauché·es, deux options de lecture sont possibles : vous souhaitez vous dépayser, ou au contraire, vous voulez mieux comprendre la société dans laquelle vous vivez.

Pour la première option – l’évasion –, on conseillera de vous plonger dans Vallée du silicium, le livre le plus récent d’Alain Damasio, mais aussi dans tous ses textes précédents. Grand auteur de science-fiction, Damasio est parti enquêter dans la Silicon Valley, parmi ses jeunes loup·ves richissimes et leurs inventions qui ont changé le monde au point de le déréaliser, et nos vies au point de les… désincarner ? Un texte édifiant, passionnant, excitant, effrayant, qui s’achève par une nouvelle virtuose semblant être de la SF mais dans laquelle l’écrivain met en scène tout ce qui nous attend.

Pour la seconde option, et tant pis si ça sonne comme un cliché, on vous propose À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, dépaysement (temporel plus que spatial) mais aussi clé pour comprendre notre réel social et l’intemporalité de tout rapport humain. Les classes sociales, le snobisme, le rôle de l’argent, les gossips, le sexe, l’antisémitisme… Tout y est, l’art en plus (le style, l’écriture de Proust…), et à la fin, une extraordinaire leçon de métaphysique.

JO et politique

Et comme quoi que l’on fasse ou dise, impossible d’échapper aux Jeux olympiques, deux livres qui retracent la destinée de champion·nes s’imposent. Si l’on veut comprendre ce que la façade (médailles, œcuménisme, etc…) dissimule de souffrances chez nos athlètes, nous vous conseillons La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, autour de la figure de la gymnaste Nadia Comăneci, et Ne t’arrête pas de courir de Mathieu Palain (que l’on vous recommandait déjà dans nos dix poches de l’été), sur Toumany Coulibaly, coureur d’élite médaillé mais cambrioleur la nuit, gosse d’émigré·es qui ne trouve pas sa place, toujours tiraillé entre deux identités.

Enfin, parce qu’on ne peut pas complètement oublier ce qui s’est passé politiquement lors des dernières élections, et à quel point le pays était au bord de basculer dans le pire, deux livres vous donneront à penser. Le premier fournit les outils nécessaires pour décrypter ce qui se joue actuellement en France : De la tyrannie : Vingt leçons du XXe siècle est un essai très clair, limpide et percutant de l’historien américain Timothy Snyder.

Et puisqu’il est essentiel de se rafraîchir la mémoire – mémoire qui semble dernièrement avoir été complètement occultée en France, et un peu partout en Europe, si ce n’est dans le monde –, il faut lire le puissant, bouleversant, nouveau livre d’Hervé Le Tellier. Paru au printemps dernier, Le Nom sur le mur retrace la (très courte) vie d’un jeune résistant, André Chaix, durant la Seconde Guerre mondiale, et à travers ce jeune homme tué pour la France, tous les rouages d’une guerre puis de l’occupation en France, la façon dont une majorité s’est comportée, a laissé faire sans intervenir, a trahi, déshonoré, tué, bref l’horreur dont sont capables les humain·es ; et d’un autre côté, la grandeur de certain·es autres, dont le jeune Chaix. Enfin, il n’oublie pas le cynisme géopolitique à grande échelle qui a conduit les États, quelques années après la guerre, à blanchir certain·es nazi·es et collaborateur·rices. Un texte de mémoire vertigineux, important.

Vallée du silicium, d’Alain Damasio (Le Seuil), 336 p., 20 €.

À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust (Gallimard/Quarto), 2 400 p., 36 €.

La petite communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon (Babel), 320 p., 9,20 €.

Ne t’arrête pas de courir, de Mathieu Palain (L’Iconoclaste/Proche), 377 p., 8,50 €.

De la tyrannie : Vingt leçons du XXe siècle, de Timothy Snyder (Gallimard), trad. par Pierre-Emmanuel Dauzat, 112 p., 9,50 €.

Le Nom sur le mur, d’Hervé Le Tellier (Gallimard), 176 p., 19,80 €.