JO Paris 2024 : Volley, basket, handball féminin et masculin... Un France - Allemagne en quatre manches
Des maillots du Japon, des drapeaux du Brésil ou des États-Unis. Aux abords de l’Arena Paris Sud, ce lundi, sur le coup de 16 heures, il était légitime d’avoir des envies d’exotisme, de découverte d’une nouvelle culture, d’horizons lointains. Ce sont ça, aussi, les Jeux olympiques. Qui plus est dans des murs qui, tous les ans en février, abritent lors du Salon de l’Agriculture quelques restaurants aux saveurs venues d’ailleurs.
Mais à l’heure des quarts de finale des sports collectifs de salle, cet exotisme s’est évaporé. Les Bleus du volley, qui ouvraient la voie Porte de Versailles, n’avaient pas trouvé plus original que d’affronter un voisin, un frontalier, un continental, un cousin germain de l’espace Schengen. L’Allemagne. Comme dirait un manager expert en novlangue, voilà qui est assez « déceptif ». D’autant plus que les équipes de France de handball, aujourd’hui (pour les filles) et demain (pour les gars) à 13?h?30 à Lille, et de basket féminin (demain à 18 heures) à Bercy, auront elles aussi droit au Deutschlandlied en réponse à la Marseillaise.
Une pure coïncidence susceptible de réveiller quelques vieux antagonismes. Sportifs, bien évidemment. Contrairement à la « Nuit de Séville », qui avait conduit le chancelier Helmut Schmidt, à la demande de François Mitterrand, à diplomatiquement désamorcer par un communiqué officiel, le 9 juillet 1982, les tensions nées de la demi-finale du Mondial de football (lire ci-dessous)…
Des équipes allemandes de retour au premier plan« Tout ça, c’est intéressant pour le storytelling », sourit Richard Dacoury. L’ancienne gloire du basket tricolore, présent à l’Arena Paris Sud, y voit, sans critique aucune, un « truc de journalistes ». « Il ne faut surtout pas comparer les moments. Je ne pense pas que les joueurs qui ont vécu un épisode douloureux s’en rappellent deux, trois, vingt ans après. Là, tu es tellement concentré sur l’adversaire, tu as tellement analysé son jeu, tu es tellement dans ton truc, dans le feu de l’action, que tu ne penses pas au passé », reprend l’ancien Limougeaud, qui note tout de même que « l’Allemagne redevient une nation qui compte dans beaucoup de “sports co”. Ils ont toujours eu un potentiel physique, des grands gabarits, mais cela manquait de fantaisie, d’un petit quelque chose qui casse le cadre de leur rigueur. Maintenant, ils ont des joueurs, comme Dennis Schröder ou les frères Wagner au basket, qui ont appris au contact d’autres championnats. »
« C’est une équipe qui progresse d’année en année, qui par rapport au dernier Euro a vu arriver les sœurs Sabaly (passées par les universités américaines, ndlr) et Alexis Petterson (meneuse US naturalisée). Elle a trouvé un bon équilibre », juge et confirme pour sa part l’arrière des basketteuses françaises, Marine Johannès. Même avis pour Nikola Karabatic sur son futur adversaire : « L’Allemagne est revenue dans le gotha qui a atteint les demi-finales du dernier Euro. Cette équipe est très talentueuse, avec un très bon gardien (Andreas Wolff). Ils ont fait tomber tous les gros de la poule A », prévient l’ex-joueur de Kiel, qui ne tient pas à prendre sa retraite demain après-midi, à l’heure de L’Inspecteur Derrick.
Aucune animosité sur le terrain au volleyLes volleyeurs, eux, ont franchi l’écueil avec difficulté ce lundi. Mais sans animosité. La star tricolore Earvin Ngapeth, 33 ans, affrontait son équivalent germanique, Gyorgy Grozer, 39 ans, alors que ce dernier était invité à son mariage, en mai dernier à Poitiers. On a aussi vu Barthélémy Chinenyeze traverser le filet au pas de course pour s’enquérir de l’état du nez de Moritz Karlitzek, touché par un énorme smash.
Longtemps, les 12.000 spectateurs très majoritairement français n’ont pas houspillé les joueurs allemands. Les huées et les sifflets sont tombés à 2 sets 0, quand les Bleus étaient proches de prendre la porte. Anton Brehme, au service sur une balle de set en sa défaveur, peut en témoigner, comme Ruben Schott, qui a écopé d’un carton rouge et d’une belle bronca dans le tie-break pour des propos déplacés. « Eh, les Allemands, on ne vous entend pas », a chambré un spectateur descendant les gradins, après le succès 3-2 (18-25, 26-28, 25-20, 25-21 et 15-13).
La bande dirigée par Andrea Giani, ancien sélectionneur… de la Mannschaft et qui retrouvera l’Italie sur sa route, a donc ouvert le bal. « On leur souhaite la même réussite », a lancé Nicolas Le Goff à l’attention des autres équipes de France, soutenu par son libero Jenia Grebennikov : « J’espère que tout le monde va gagner ». Comme à Tokyo, où quatre médailles, dont trois en or, ont été glanées par ces quatre sélections.
Une rivalité s'installe chez les basketteurs
Les basketteurs de l’équipe de France ont déjà donné. Vincent Collet et ses hommes affronteront le Canada aujourd’hui (18 heures) à l’Arena Bercy de Paris, en quarts de finale, et ne devraient pas croiser les Allemands dans l’immédiat. Ce qui doit les soulager un peu…
Car depuis un mois, les Bleus et la Mannschaft ont ferraillé à trois reprises et une rivalité marquée est en train de s’installer entre les vice-champions olympiques de Tokyo et les champions du monde 2023. Déjà parce que les deux équipes se retrouvent régulièrement dans les grands tournois. À l’Euro 2017 (défaite française 81-84 en 8e), au Mondial 2019 (victoire 78-74 au 1er tour), à l’Euro 2022 (défaite 63-76 au 1er tour)… Le duel au sommet pour refermer le groupe B des Jeux, vendredi dernier à Lille (défaite 71-85), était ainsi le 4e en six phases finales.
Ensuite parce qu’il y a eu deux rencontres de préparation pré-olympique entre les deux nations, où chacune a tour à tour brouillé les cartes. Jusqu’à l’embrouille. Le 6 juillet à Cologne, Evan Fournier et la star allemande Dennis Schröder, MVP du dernier Mondial, ont failli en venir aux mains. « Il m’a attrapé à la gorge. Je me suis défendu, c’est tout. Rien de plus. Peut-être qu’il était frustré, je ne sais pas », a expliqué le Français, exclu pour avoir pris son adversaire par le col. Les Tricolores s’étaient imposés 90-66.
Deux jours plus tard, à Montpellier, les Allemands ont pris leur revanche, en l’absence de Victor Wembanyama (65-70). Et Schröder, conspué par le public, ne s’est pas privé de chambrer en fin de partie, au point de se voir sanctionné d’une faute technique… Vendredi, le meneur des Nets de Brooklyn a encore usé du « trash talking » estampillé NBA pour décontenancer les Bleus. Tout en inscrivant 26 points et en offrant neuf passes décisives. Il semble donc que ce soit davantage son talent qui fait gagner que ses provocations verbales.
Sébastien Devaur