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Август
2024

Pourquoi Donald Trump se sent orphelin de Joe Biden et peine face à Kamala Harris

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«Un être vous manque et tout est dépeuplé. » Une quinzaine de jours après le retrait (plus ou moins) attendu de Joe Biden, la citation de Lamartine résume assez bien la situation dans la course à la Maison Blanche outre-Atlantique. Tant Donald Trump apparaît comme orphelin de son punching-ball préféré et peine à retrouver le souffle d’une campagne jusque-là triomphante.Le candidat républicain, qui marchait sur l’eau après la tentative d’assassinat manquée dont il a été victime le 13 juillet en Pennsylvanie, doit opérer un reboot total de sa stratégie.

2008 et un certain Barack Obama

« Donald Trump et Joe Biden avaient l’un et l’autre construit à notre grand désespoir une campagne pénible à souhait et violente sans argument. C’était un combat à forte dose de testostérone qui ne correspondait pas du tout aux attentes des Américains aujourd’hui. Nous n’allions pas avoir la campagne souhaitée entre la société du passé et du futur, celle qui se déroule désormais devant nos yeux », commente Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas.

L’irruption de Kamala Harris a complètement rebattu les cartes. « Donald Trump doit tout reprendre de zéro pour convaincre non pas sa base mais ceux qu’il était parti chercher, avec son discours à la convention républicaine sur cette Amérique de l’unité qu’il annonçait et qu’aujourd’hui il abandonne totalement. »De plus de vingt ans sa cadette, issue des minorités, brillante oratrice, l’ancienne procureur générale de Californie n’a eu aucune peine à enfiler les habits de candidate d’un camp démocrate qui se croirait presque revenu en 2008 et l’avènement d’un certain Barack Obama.

"Lune de miel"

« Quoi qu’on en dise, c’est surtout sur la thématique de la campagne et la façon de la faire que tout a changé, analyse l’auteur de Kamala Harris, l’Amérique du futur (Nouveau monde éditions). Parce qu’au lieu d’avoir un débat qui se cristallise autour de la démocratie américaine avec chaque candidat qui accuse l’autre d’être le méchant, tout s’est recentré sur les réels problèmes des Américains. Et le mot freedom (liberté) choisi par Kamala, qui serait selon la légende le premier qu’elle a prononcé quand elle était dans son berceau pendant les manifestations pour les droits civiques avec ses parents, s’adapte à tellement de situations et de gens aux États-Unis. D’abord, bien sûr aux Afro-américains qui demandent toujours de disposer de leurs droits civiques mais aussi aux femmes qui demandent la liberté de pouvoir disposer de leur propre corps ou encore aux migrants qui réclament la liberté de pouvoir travailler. »

"La couleur de peau thème de campagne"

La question raciale fait également son retour dans l’arène politique. « Les attaques contre Kamala Harris sur sa couleur de peau nous renvoit au début du XXe  siècle avec cette ségrégation qui s’est installée et l’idée qu’être noir était un désavantage. La couleur de peau est redevenue un thème de campagne en même temps que le statut homme-femme. Cet affrontement entre souffrances et élitisme s’installera dans la campagne avec un élargissement à d’autres sujets : la puissance de l’argent, les inégalités toujours très très fortes. Donald Trump était parti sur ces thématiques en choisissant JD Vance. Son colistier est l’incarnation du rêve américain et de l’ascension sociale d’un fils d’une mère célibataire toxicomane mais Kamala Harris lui coupe l’herbe sous le pied. Car la petite fille de parents migrants, nés en Jamaïque et en Inde, qui pourrait devenir la première femme présidente, l’incarne avec encore plus de force », complète le spécialiste des États-Unis.

"Refaire la Une des médias"

L’attaque de Donald Trump sur le prétendu opportunisme électoral de Kamala Harris dans l’instrumentalisation de ses origines noires vise des buts bien précis.« C’est d’abord une façon de refaire la Une des médias alors que, depuis dix jours, il n’intéressait plus personne et qu’il y avait une sorte de lune de miel avec la candidate démocrate, souligne Jean-Éric Branaa. Ensuite, cette polarisation lui permet de resserrer sa base. Remettre en cause l’appartenance d’une femme noire à la communauté noire est une façon d’instiller le doute dans la tête des électeurs noirs en postant la question : “est-ce qu’elle est vraiment pour vous ? Remarquons que c’est encore un homme blanc qui veut catégoriser racialement une femme noire et la délégitimer. Il joue sur les peurs et les préjugés. »

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L'immigration comme angle d'attaque

Une façon toute “trumpienne” de reprendre le contrôle du narratif qui n’est que le prélude d’une nouvelle stratégie pour séduire les indécis. « Les deux angles d’attaque choisis sont premièrement l’immigration, le fonds de commerce du parti Républicain et une inquiétude qui transcende les frontières politiques. Et deuxièmement, son côté novice et une vice-présidence éteinte et incompétente, propagande qu’a rabâchée avec un certain succès Trump ces quatre dernières années. Est-ce que cela sera suffisant ? Ce n’est pas certain », détaille le maître de conférences à l’université Panthéon-Assas.

Quel vice-président ?

Alors que Donald Trump est plombé par les sorties sexistes de son colistier, Kamala Harris doit annoncer ce week-end le nom de son vice-président. Une décision cruciale. « Ses faiblesses sont en Pennsylvanie et on parle beaucoup de Josh Shapiro, le gouverneur de cet État-clé comme colistier. Le souci, c’est qu’il a été accusé de harcèlement sexuel et même si l’affaire s’est réglée à l’amiable, cela peut être un handicap, surtout que Kamala Harris est une figure du mouvement #MeToo », conclut Jean-Éric Branaa.

Dominique Diogon