Escrime: les épéistes bredouilles après la brouille
Pour la deuxième fois de suite, les successeurs d'Éric Srecki ou Fabrice Jeannet finissent les Jeux olympiques sans médaille par équipes.
Quatre touches d'avance (35-31) au moment de prendre son relais n'ont pas suffi à Yannick Borel pour arracher la médaille après la "déculottée" hongroise en demi-finale.
L'ancien, 35 ans et médaille d'argent en individuel, s'est effondré dans des proportions spectaculaires face à Jakub Jurka, modeste 51e tireur mondial.
"À titre personnel, je me sens mal, extrêmement mal pour ce dernier match, ce dernier relais. Je dois finir quelle que soit la manière et là, je n'ai pas pu. J'ai eu un trou. Je n'ai pas réussi à sortir de ce trou", a admis le Guadeloupéen. "Je n'arrive pas du tout à comprendre comment j'ai pu prendre autant" de touches, a-t-il dit.
Le champion du monde 2018 a un temps été mené 10-2 dans son relais face au Tchèque qui l'a fait douter. Leurs adversaires, certes surprenants tombeurs de l'Italie (43-38) n'avaient rien d'infranchissables: parmi eux tirait même un quadragénaire, Jiri Beran, 42 ans.
Avec une seule médaille et d'argent, pas le métal le plus brillant, l'arme la plus dominante de l'escrime française fait moins bien qu'à Tokyo sous la verrière du Grand Palais.
"Ce n'est pas de la frustration, c'est de la colère. Ce sentiment de colère, il est là", a livré l'entraineur national de l'épée hommes Gauthier Grumier.
Des mois de fronde
Derrière les sabreuses, favorites pour l'or samedi, les épéistes étaient les mieux armés des Tricolores dans la joute aux médailles, en tout cas avant que les esprits ne s'émoussent par des mois à ferrailler entre les leaders frondeurs et un encadrement récalcitrant.
Dans une ambiance très fraîche, pas seulement du fait de la clim excessive, les épéistes français ont été écrabouillés 45-30 par les Hongrois après un premier match déjà poussif contre l'Egypte (45-39).
"On s'est fait laver, essorer, passer au sèche-linge", constatait alors Grumier. "Mieux vaut une déculottée que de perdre 45-44 et se dire qu'on aurait pu."
Ce match a paraphé la dernière entrée en piste de Romain Cannone. En grande difficulté avec un seul relais remporté dans la journée, le champion olympique de Tokyo a été remplacé par Paul Allègre.
"C'est une fierté d'avoir participé aux Jeux et montré de l'escrime à la Française", retenait le remplacé, à contrecourant comme souvent. "Peu importe comment les médias vont nous +basher+, on ne réalise pas à quel point c'est dur d'arriver juste au Jeux", a-t-il affirmé.
L'épéiste, acteur de la fronde contre l'ex-manager démissionnaire de l'arme Hugues Obry et opposé à l'absence d'Alexandre Bardenet dans la sélection, n'a donc pas tiré dans le match pour le bronze.
Depuis le schisme consécutif au débrief houleux des Mondiaux de l'été dernier, lui, comme Yannick Borel, avaient déserté la structure fédérale à l'Insep pour s'entrainer de leur côté.
"Je ne veux pas fuir mes responsabilités. Je suis un athlète. J'étais sur la piste. C'est moi qui tenais l'épée. Je pouvais faire mieux. Après toutes ces histoires, est-ce que ça nous a aidés ? Je ne pense pas", a lâché Borel. "On aurait pu arriver dans d'autres conditions. Mais c'est trop facile, là, tout de suite, avec cette frustration, avec cette négativité, de lâcher des choses."
Il n'a pas davantage pris part à la préparation terminale et Romain Cannone a même fait seul son entrée au village olympique.
"À partir du moment où je ne maîtrise pas tout...", a soufflé Gauthier Grumier. "Il y a un temps pour tout. C'est le temps de se recueillir et faire le deuil de cette défaite et de cette compétition par équipes. Il y aura un temps pour analyser les choses."