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Август
2024

Un été littérature – 11) Littérature fantastique

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Le cimetière des livres oubliés, une tétralogie de Carlos Ruiz Zafón

Lorsque je me suis lancé dans cette lecture, j’ai aussitôt été captivé. A n’en plus lâcher ce roman. Attiré à la fois par le titre de ce qui allait devenir une tétralogie, mais aussi par celui de chacun des volumes, en particulier le premier « L’ombre du vent », à la fois plaisant, poétique, laissant place au songe et presque obsédant, qui n’a jamais quitté mon esprit. Les couvertures de l’édition initiale aussi sont belles.

Le livre est bien écrit, sous le véritable talent de plume de Carlos Ruiz Zafon, dont le style est très agréable et la langue soignée. L’auteur parvient à nous captiver et à entretenir l’angoisse, à travers un scénario à mi-chemin entre intrigue semi-policière, semi-historique et semi-fantastique. En conservant jusqu’au bout une part de mystère qui parvient parfaitement à tenir le lecteur en haleine.

Nous voilà plongés dans l’ambiance lugubre des années de plomb espagnoles sous Franco, avec toutes ses horreurs et son affreuse oppression. Les différents volumes sont en partie indépendants, puis se rejoignent pour tracer une cohérence qui prend tout son sens. Las livres sont au centre de l’intrigue, de même que le talent de l’écrivain maudit. Dans un scénario riche et accompli, qui vous entraîne dans les affres de l’inconnu et un univers maléfique dont on a peine à s’extraire, comme au milieu d’un étau qui se referme lentement mais inexorablement.

Envoûtants. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier ces quatre tomes du Cimetière des livres oubliés. Une fois que vous vous lancez dans la lecture, il est bien difficile de s’y arracher, même pour dormir et même s’il est bien tard ou que vous devez vous consacrer à une autre activité. On ne parvient pas à s’en échapper, tant l’histoire se révèle palpitante, intrigante, stimulante. On est comme emporté par les événements, avec leur lot de compromissions et de despotisme destructeur.

Tout le talent de l’auteur consiste à reconstruire habilement le puzzle qui réunit les personnages des différents tomes, de manière inattendue. Plongeant le lecteur dans une curiosité insatiable.

Je ne puis, bien entendu rien dévoiler de l’intrigue, mais elle s’avère à la fois forte, angoissante et très efficace. Elle permet aussi de mieux ressentir les terribles maux de la société espagnole, à travers la Barcelone de l’époque, et des souffrances engendrées.

De la très bonne littérature. Plusieurs années après, j’en garde un souvenir assez unique.

— Carlos Ruiz Zafón, L’ombre du ventRobert Laffont, mai 2012, 516 pages ; Le jeu de l’ange, août 2009, 536 pages ; Le prisonnier du ciel, novembre 2012, 270 pages ; Le Labyrinthe des esprits, Éditions Actes Sud, mai 2018, 883 pages.

 

The Ones, de Daniel Sweren

Bon roman, classé pour ados, mais pouvant tout autant plaire à des adultes.

Le thème peut rappeler celui de Bienvenue à Gattaca, sauf qu’ici on peut renverser la logique de fond : dans un cas, la génétique était au service d’une élite, les autres ayant tendance à être classés au rang de subalternes – une prédétermination inquiétante qui rappelle celle d’autres scénarios, à l’instar de ceux du Passeur ou de Divergente (avec aussi un petit côté Utopia) – dans l’autre cas, celui du scénario de The Ones, il s’agit plutôt du fantasme de l’être créé génétiquement parfait, mais intégré au reste de la société, sans distinction établie. Une situation plus proche du monde actuel tel qu’on peut le concevoir. Mais avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer lorsqu’on se met à jouer aux apprentis-sorciers… Et c’est bien là que le bât blesse.

Lorsque l’être génétiquement parfait se trouve fondu dans la masse, mais que la jalousie, l’envie et le fantasme, là aussi, de l’égalité ou d’une égalité qui vire à l’égalitarisme, s’en mêle, alors la situation devient dangereuse, voire périlleuse. Et c’est ce dont il va être question dans ce roman.

Que se passe-t-il lorsque les technologies modernes aboutissent à ce qu’un fichier complet répertoriant les noms et adresses des 1% de la population ayant subi ces modifications génétiques à la naissance est divulgué publiquement sur le net par quelqu’un dont on ignore les motivations ? Et que les politiques, jamais avares de démagogie, en viennent à voter des lois égalitaires dont les conséquences s’avèrent dévastatrices pour ceux que l’on dénomme les « Ones » ?

Un climat de persécution, de violences, de ségrégation s’installe alors, suscité par les mauvais instincts flattés par la situation et la rancoeur enfouie chez certains et les traditionnels mouvements extrémistes (ici le « Mouvement Egalité »). Climat qui en rappelle d’autres, historiques, qui n’ont rien eux de factices.

Un roman passionnant, captivant, sans être pour autant exceptionnel et qui se lit rapidement. Sur un thème tout à fait d’actualité et une situation plausible, qui doit donner à réfléchir sur les orientations prises par la science et les choix éthiques à considérer.

Il s’agit d’un tome 1, lu en 2016. J’ignorais alors qu’un tome 2 allait sortir l’année suivante, qu’il faudra que je me procure enfin un jour ou l’autre…

— Daniel Sweren, The OnesNew Way, octobre 2016, 333 pages.

 

Timebox, de Boris Koslowski

L’idée est bonne et plutôt bien exploitée. On sent que l’auteur s’en est donné à cœur-joie et a eu plaisir à écrire ce livre, avec enthousiasme.

Si ce roman est relativement captivant et rythmé, j’ai trouvé néanmoins les tout premiers chapitres un peu compliqués à comprendre et pas forcément suffisamment prenants. Je n’ai, notamment, pas compris tout de suite de manière précise le concept de la timebox. L’auteur avait son idée, mais cela demeurait un peu flou. Ecueil rapidement contourné, puisque par la suite c’est apparu plus clair et le roman trouve rapidement son rythme.

L’auteur, par excès d’enthousiasme sans doute, semble par ailleurs parfois un peu pressé et en vient par moments un peu trop rapidement au fait, rompant d’un seul coup avec une scène pour mieux passer à une autre. Une économie de quelques phrases qui dégrade un peu l’écriture, par précipitation (mais peut-être s’agit-il là d’un premier roman ? Gageons que l’auteur en prendra note et progressera sur ce point).

Inversement, une scène décrivant un cauchemar de l’un des principaux personnages m’a semblé un peu longue et disproportionnée, n’apportant rien, à mon sens, à l’histoire. Mais ce n’est pas très gênant en soi.

Un roman, donc, que j’ai trouvé intéressant, même si pas totalement abouti. Ce n’est pas de la grande littérature, mais je ne crois pas non plus que ce soit le but. Ici, il s’agissait plus de distraire. En même temps, il y a une réflexion sous-jacente sur les dangers de la technologie et des « bonnes » inventions. C’est donc un sujet bien choisi.

Avec, pour moi, un même sentiment de légère frustration, comme j’ai pu l’éprouver dans le film Time out en 2011, qui lui aussi partait d’une excellente idée mais traitée trop rapidement.

L’auteur est, me semble-t-il, prometteur. Son enthousiasme manifeste laisse augurer d’autres bonnes créations de sa part. Et avec l’expérience d’un premier roman (si c’est bien le cas), je ne doute pas que la qualité sera au rendez-vous.

— Boris Koslowski, Timebox, Boris Koslowski, septembre 2016, 192 pages.

 

Ravage, de Barjavel

De Barjavel, j’avais lu et apprécié Le Grand secret. Une lecture qui remonte à loin. Malheureusement, le bien plus connu Ravage ne m’a pas procuré les mêmes sensations, ni la même satisfaction.

Pour commencer, j’ai trouvé très longue l’entrée en matière. Qui correspond, grosso modo, à la première des quatre parties du livre. Trop lent, trop de descriptions, peu d’intérêt véritable, si ce n’est pour l’auteur de présenter son monde d’anticipation (mérite qui semble lui avoir été reconnu).

La deuxième partie est peut-être la plus captivante (avec la troisième), mais débute de drôle de manière par un événement particulièrement radical et dont on ne reparlera pas par la suite, tandis qu’un autre événement qui entre en contradiction avec le premier semble y mettre un terme aussitôt de manière étonnamment hasardeuse. L’auteur, sans doute entraîné par le contexte de son époque (Seconde guerre mondiale) ne s’est-il pas un peu trop laissé emporter par son désir de dénoncer certaines dérives potentielles ?

Puis, le pire est à venir avec la présentation d’une scène de conseil des ministres se déroulant de manière parfaitement saugrenue et totalement farfelue (d’autres petits passages du livre le sont également à mon sens).

Quant au personnage principal du livre, le « héros », est-on censés le considérer comme un personnage digne d’admiration (ce qui ira en se renforçant dans les troisième et quatrième parties du livre) ? Pour ma part, je l’ai trouvé brutal et détestable, peu sujet à la compassion (et en définitive, révélant à mon sens plus l’âme d’un petit dictateur que d’un meneur courageux).

L’auteur semble aussi parfois un peu trop se complaire dans des descriptions d’horreurs qui me semblent relever plus de l’excès et de la maladresse que de la subtilité qui me siérait davantage de la part de quelqu’un de réputé talentueux.

Pour finir, la quatrième partie du roman me semble être en trop ou, là encore, écrite de manière un peu trop légère et maladroite. Elle traîne en tous les cas un peu trop en longueur. Et me semble mettre à mal la thèse du livre, qui serait apparemment (mais peut-être que je me trompe à ce sujet) une critique acerbe des progrès technologiques.

En définitive, ce roman ne m’a pas véritablement convaincu. J’ai eu le sentiment de lire un livre écrit par un jeune adolescent talentueux qui écrirait avec les excès liés à son âge. Mais sans doute est-ce moi qui ne sais pas apprécier les bonnes choses : il s’agit tout de même d’une œuvre encore aujourd’hui adulée. Il se peut donc que je sois dans l’erreur.

— Barjavel, Ravage, Folio, 313 pages.

 

Chroniques martiennes, de Ray Bradbury

Alors que des projets d’expédition vers Mars sont à l’étude depuis quelques années, l’évocation de ce célèbre classique du roman SF semble opportune. Tout commence, en effet, exactement ainsi, par l’évocation des projets d’exploration de la planète rouge. Voilà qui permet donc de rêver.

Pour autant, si les tout premiers chapitres démarrent bien et attisent l’intérêt comme la curiosité, j’ai eu un peu de mal avec la construction. Les différentes chroniques m’ont paru au départ un peu trop disparates, de longueur et d’intérêt variables. Avant que je finisse par comprendre qu’elles sont en réalité liées, qu’elles forment un tout, tel un puzzle qui prend forme petit à petit et laisse découvrir des reliefs insoupçonnés.

A la deuxième moitié de l’ouvrage, j’ai donc retrouvé des sensations et la lecture est devenue progressivement de plus en plus attrayante, au point que j’ai même fini par éprouver un petit pincement au coeur, comme on peut l’éprouver à chaque fois que l’on termine un ouvrage que l’on a aimé.

L’évasion est véritable. La vitesse de déroulement est crédible, laissant ressentir une autre perception du temps comme de l’espace, allant jusqu’aux confins de la réalité comme de l’étrange.

Dans la même veine que Fahrenheit 451, même si le sujet est très différent et sans comparaison, un roman destiné à tout public, et non pas seulement à de purs amateurs de science-fiction.

— Ray Bradbury, Chroniques martiennes, Folio SF, 336 pages.

 

Le pays des aveugles, d’H. G. Wells

J’ai lu ce livre il y a maintenant très longtemps, après que le professeur de Philosophie dont j’étais élève l’ait évoqué durant l’un de ses premiers cours de l’année.

Cette nouvelle, puisqu’il ne s’agit que d’une production malheureusement très courte (moins de 40 pages, le reste du volume étant constitué d’autres nouvelles, dont j’ai par contre oublié le contenu, si ce n’est qu’il devait se situer dans le domaine du fantastique), est ainsi restée pour moi une nouvelle marquante, engageant la réflexion philosophique.

L’histoire d’un homme, avec toutes ses certitudes, qui se perd dans un monde souterrain où il découvre l’existence de tout un peuple d’humains aveugles depuis plusieurs générations. Les plaignant dans un premier temps, et éprouvant de la compassion, il va rapidement s’apercevoir que, loin d’être malheureux, c’est peut-être finalement eux qui ont beaucoup à lui apprendre, percevant beaucoup plus de choses ou éprouvant bien plus de sensations que lui-même ne pouvait en éprouver jusque-là. Une grande leçon d’humilité et de réflexion sur soi-même. Une nouvelle mémorable (que j’ai déjà dû relire quelques années plus tard et que je relierai encore assurément). Une vraie leçon de vie.

— H. G. Wells, Le pays des aveugles, Folio, 272 pages.

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