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Август
2024

Entre carte bleue et monnaie, la pratique du pourboire se perd-elle dans les restaurants de Clermont-Ferrand ?

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Installés à la terrasse d’un café de la place de la Victoire, à Clermont-Ferrand, deux retraités venus passer quelques jours dans la métropole profitent des quelques rayons de soleil de la journée. Il est aux alentours de 14 h 30, l’un sirote un demi de bière blonde, quand pour l’autre, l’après-midi débute par un expresso. Ils ne laisseront probablement pas de pourboire, puisqu’ils n’ont pas pour habitude de le faire lorsqu’ils consomment dans des cafés.

Une virée au restaurant est en revanche synonyme de pourboire pour ce couple originaire de Cambrai : "On a toujours de la monnaie, et on ne paye jamais par carte, donc on donne quasiment systématiquement quelque chose."

Tout dépend de l'occasion

Le paiement en espèces est cependant de moins en moins répandu. Même les anciennes générations semblent avoir adopté la carte bleue. À quelques tables de là, Jean-François, 80 ans, sort de La Madeleine, une brasserie du centre-ville. Il vient d’y consommer son déjeuner et avoue : "Je n’ai que mon porte-cartes, et aucune monnaie sur moi, donc dans ces cas-là, je ne pense pas à arrondir avec la carte. Et puis aujourd’hui, j’ai consommé un petit plat, mais si je prends un repas complet ou que je suis accompagné, je laisse quelque chose."

De l’autre côté de la place, Candice, Nathan et Nicolas, la vingtaine, tiennent le même discours. Pour eux, tout dépend de l’occasion. Nicolas estime qu’il est logique de donner davantage de pourboires lors d’une sortie au restaurant plutôt qu’au bar, puisque "le service est plus long".

Quelques mètres plus bas, place de Jaude, Léo, serveur depuis deux ans et demi au Faisan Doré, est en première ligne, et fait le même constat : en restauration, les clients sont plus généreux qu’en dehors des services. "Les gens laissent de plus grosses sommes lors des repas, alors que sur des cafés, ils arrondissent à quelques centimes. Et puis les verres, ils vont en boire tous les jours, donc ils ne donnent pas forcément à chaque fois", explique-t-il. Le serveur n’a en revanche pas perçu de variations en fonction des générations, bien que les plus âgés semblent avoir plus de monnaie sur eux. Il constate en revanche une différence culturelle de taille, entre les clients français et étrangers :

En été, mais aussi pendant la période de Noël, avec le marché en centre-ville, il y a plus de clients étrangers et donc plus de pourboires.

Plus haut, place de la Victoire, le jeune Nicolas faisait déjà le même constat autour d’une bière : "On donne moins aussi parce qu’on n’est pas aux États-Unis, où il y a une forte culture du tip. Ce n’est pas forcément le cas ici, où le prix de la consommation comprend le service." Les trois jeunes indiquent qu’ils sont tout de même amenés à laisser un pourboire de temps en temps, selon la sympathie des serveurs. "C'est vrai aussi qu'après quelques verres dans le sang, on donne plus facilement", sourit Nathan. Ses amis et lui connaissent le concept, tout juste mis en place en France, du paiement suggéré, mais n’ont jamais eu à l’utiliser. Il s’agit pour les établissements de proposer aux clients directement sur le terminal de paiement de laisser un pourboire.

Le "pourboire suggéré" par carte, une pratique qui divise sur les terrasses. Photo d'illustration Noa Thévenin

Des TPE intelligents

Deux options s’offrent aux restaurateurs : soit ils proposent d’arrondir le montant de la note, soit ils peuvent établir un pourcentage de celle-ci, qui fera alors office de pourboire. En France, l’entreprise Sunday propose deux formules aux établissements, censées augmenter drastiquement leur réception de pourboires. La première est une application, à laquelle les consommateurs accèdent via un QR code et qui leur permet de payer puis de laisser un pourboire depuis leur téléphone.

La seconde est un TPE (terminal de paiement électronique) intelligent, qui suggère le pourboire aux consommateurs. Les créateurs de Sunday sont également à la tête d’une chaîne de restaurant nommée Big Mamma. Ils promettent ainsi une connaissance des besoins des restaurateurs, et se targuent sur leur site internet d’afficher des résultats satisfaisants, au vu des très bons rendements des établissements partenaires.

Léo, serveur clermontois, estime cependant que cette pratique peut rapidement être mal perçue par les clients :

C’est délicat, il faut savoir l’amener de manière que ça ne mette pas mal à l’aise, je ne sais pas comment on pourrait s’y prendre.

Dans la brasserie où il travaille, chaque serveur garde les pourboires qu’il reçoit. Cette pratique n’est pas encore à l’ordre du jour et les contraindrait à mettre l’argent en commun, pour ensuite le redistribuer. Le pourboire par carte ne semble pas non plus avoir été démocratisé dans le reste de l’agglomération clermontoise, où de nombreux restaurateurs n’ont pas fait la démarche pour s’équiper d’un TPE intelligent. Ils dépendent encore de la monnaie de leurs clients.

Marie-Camille Chauvet