Vitipastoralisme au Domaine de Bellevue, à Meillard dans l'Allier : l'union du vin, des ovins et d'une bonne table
Les esprits chagrins parleront peut-être de "gadget écolo", les plus optimistes en feront évidemment des tonnes avec cette "innovation géniale". La vérité est nettement plus proche du bon sens, du pragmatisme et du vivre ensemble en bonne intelligence. À Meillard, on est assurément des adeptes du gagnant-gagnant, bien au-delà des seules exploitations agricoles…
Favoriser les circuits ultra-courtsCar la démarche à haute-valeur environnementale qui unit un éleveur ovin, un domaine viticole établi depuis un siècle et une bonne table reconnue s’accompagne d’une volonté évidente de favoriser les circuits ultra-courts.Revenons donc à nos moutons et partons à la rencontre de ceux qui, à Meillard au cœur du vignoble saint-pourcinois et du bocage bourbonnais, ont donné vie et consistance à une évidente bonne idée dans leurs vignes, leur bergerie ou leur restaurant.De janvier à mars, jusqu’au bourgeonnement de la vigne, les brebis de Sylvain Ray paissent tranquillement dans les vignes du domaine de Bellevue.
Bon sens et solidaritéPar ordre d’apparition, il y a Jean-Louis Pétillat, emblématique figure du Domaine de Bellevue (aujourd’hui propriété des Avignonnais Jacques et Véronique Gautier) et toute son équipe dont Mélanie Pfeffer, pétillante jeune œnologue-viticultrice allemande, originaire du Palatinat. Créé en 1920 par la famille de Jean-Louis, dans un territoire historiquement dédié au poly-élevage, le domaine de Meillard a su, génération après génération, donner la pleine mesure de terrains initialement pas très riches et faire évoluer les cuvées. Aujourd’hui, celles-ci sont le fruit de l’exploitation raisonnée de 21 hectares de vignes dont 8 autour des bâtiments d’origine. L’union fait la force. Au premier plan Joanna Claudel, assistante commerciale au domaine de Bellevue. Derrière, de gauche à droite, Jean-Louis Pétillat maître de chai au domaine de Bellevue ; Mélanie Pfeffer, vini-viticultrice et œnologue du domaine ; Sylvain Ray éleveur de brebis Ile-de-France ; Nadège et Laurent Hoarau, restaurateurs de l’Auberge gourmande à Meillard.
Valoriser des produits de qualitéIl y a ensuite, Sylvain Ray, éleveur sélectionneur en race île de France soucieux de "s’inscrire dans la valorisation de produits de qualité et de proposer du haut de gamme grâce notamment à la génétique". Président des éleveurs de moutons de l’Allier, engagé au sein de la FNSEA, il est très ouvert sur le monde enseignant comme sur le retour aux pratiques vertueuses, en se posant aussi une question simple : "que puis-je faire par rapport à l’évolution climatique ?"
Le "Massif central" nouveau est arrivé
Un retour à une pratique ancestraleDernier côté de ce triangle gagnant, Laurent Hoarau a repris l’auberge gourmande de Meillard. Avec son épouse Nadège, cet ancien professeur de cuisine dans un lycée hôtelier lyonnais, s’attache à travailler les productions locales sur lesquels il est déjà intarissable. Visiblement soudés, les comparses de Meillard racontent avec plaisir cette démarche peu commune qui les a conduits à ce que l’on nomme désormais le vitipastoralisme. Mais qui n’est en aucun cas une invention du moment. Il s’agit plutôt d’un retour à une pratique ancestrale grandement facilitée par les préoccupations environnementales actuelles.
Pratiques vertueuses et économiesLe principe est simple : laisser les brebis, redoutables tondeuses sur pattes, nettoyer méthodiquement et impeccablement les sols d’une parcelle de 2,5 hectares de terrain. "Elles piétinent l’espace de façon superficielle, ce qui est bénéfique pour la vie naturelle du terrain", explique Jean-Louis Pétillat.Mélanie Pfeffer et Jean-Louis Pétillat, animés de même passion du vin.L’emblème du Bourbonnais s’affiche sur les fûts du Domaine et Bellevue.Au domaine de Bellevue, le vitipastoralisme a cours de janvier à mars. Les brebis sont logiquement retirées au moment du bourgeonnement de la vigne. Il n’est pas question que les futurs précieux raisins de saint-pourçain finissent dans le ventre des ovins ! D’autres avantages résultent de cette pratique et Jean-Louis Pétillat ne se fait pas prier pour les énumérer.
En début de végétation, cela m’évite un broyage avec mon tracteur. J’économise du temps comme du carburant.
"Cela me permet d’être plus à l’aise en matière d’autonomie fourragère", insiste de son côté Sylvain Ray. L’éleveur souligne également le "recours moindre au traitement antiparasite".Sylvain Ray : "une relation de confiance et une bonne dose de bon sens entre viticulteurs, restaurateurs et éleveurs".
Des avantages pour l’éleveur et le viticulteurTrès enthousiaste, Sylvain Ray continue : "cette pratique culturale existe depuis des millénaires. Nous n’inventons rien. On reproduit au fil du temps. C’est juste du bon sens dans notre manière d’utiliser notre patrimoine naturel. Le retour à de telles solutions me donne confiance", termine ce petit-fils d’exploitant agricole.On l’aura compris, en dépit de ses limitations saisonnières, le vitipastoralisme cumule les avantages pour l’éleveur comme pour le viticulteur. Il répond aussi aux aspirations des consommateurs et s’inscrit parfaitement dans une communication territoriale qui met en avant la préservation de la nature comme des savoir-faire et savoir être ancestraux.À l’instar de cet exemple de couplage du vitipastoralisme et des circuits ultra-courts, la logique d’un gagnant-gagnant collectif et raisonné semble… gagner du terrain. Tant mieux.
Domaine de Bellevue, 03500 Meillard,Tél. +33 (0) 4.70.42.05.56 ; e-mail : ledomaine@saintpourcain-bellevue.fr ; web : https://www.saintpourcain-bellevue.fr/
Retrouvez ce reportage dans le numéro 151 du magazine Massif Central.L'occasion d'explorer aussi au fil des pages la richesse culturelle, naturelle et historique de notre région : entre le couvent de la Salette à Millau, Florac dans les Cévennes, l'art libre à la Godivelle dans le Cézallier, le Mézenc à vélo ou encore le Haut-Allier au fil de l'eau... Massif Central de l'été 2024 est en vente en kiosque et sur la boutique en ligne Centre France.
CentenaireRouge 2020 : 50 % gamay 50 % pinot.Créée pour les 100 ans du domaine. Une quote-part est reversée à un l’ESAT de Saint-Hilaire.Robe : rouge pourpre comparable à celle du Vieilles VignesNez : très épicé avec une touche de délicatesse. Besoin de le laisser ouvert en amont.Bouche : riche en arômes avec une évidente longueur en bouche mais aussi une certaine fraîcheur.À déguster avec : une viande, un fromage. Les végétariens peuvent le choisir pour accompagner une soupe aux lentilles.
Vieilles vignesRouge : 50 % gamay 50 % pinot.Issu de deux parcelles de terrain granitique.Robe : rouge profonde, pourpre. Couleurs qui marquent des années mûres. Vin riche en matières.Nez : assez explosif. Senteurs de fruits rouges, peut virer sur le cassis.Bouche. Bon équilibre entre tanins et acidité.À déguster avec : des viandes légères. Un vin passe-partout qui convient de l’apéritif au fromage.
Urbain VBlanc : 65 % chardonnay et 35 % tressallierAinsi nommé en hommage aux Papes d’Avignon (qui consommaient déjà du saint-pourçain) et d’où sont originaires les actuels propriétaires du Domaine de Bellevue, Jacques et Véronique Gautier.Robe : jaune pâle.Nez : très fruité, légèrement boisé et vanillé.Bouche : un côté explosif très agréable d’où se dégage une complexité dans les arômes. Vin qui garde de la tension en bouche.À déguster avec : des asperges ou des poissons en sauces. Ne pas hésiter à le servir avec un fromage, par exemple un Cérilly.
Une cuisine, des circuits-courts
Laurent Hoarau.La barbe fleurie, l’œil malicieux, Laurent Hoarau nous accueille avec un sourire qui n’a d’égal que celui de son épouse, Nadège. Fier de ses origines réunionnaises (qui se dévoilent avec élégance dans certains de ses plats), cet ancien restaurateur lyonnais est devenu naturellement un défenseur du Bourbonnais. Dans sa cuisine, point d’agneaux bon marché venus de l’hémisphère sud.
On connaît l’excellence des produits de Sylvain Ray. C’est une évidence pour nous de choisir, de servir ses agneaux.
Et de les sublimer. Pour en être convaincu, foin de long discours. Il suffit de se laisser tenter par la selle d’agneau sur nid de foin en cuisson à l’étouffée avec son gratin dauphinois à la truffe, ses asperges et ses pickles de pleurotes. Cette volonté affichée de faire la part belle aux produits du terroir est une constante. Elle traduit une volonté farouche de favoriser les circuits courts comme en témoigne cette liste non exhaustive des fournisseurs du chef de Meillard.
Légumes : Les jardins de La Huzarde à Montbeugny (03), les jardins de Saint Fiacre à Gipcy (03), etc.Cochon cul noir et volailles : La P’tite ferme de La Garenne à Verneuil-en-Bourbonnais (03).Cailles : Les Volailles du Renard Rouge (79)Boœf veau, agneau, sélectionnés par la Boucherie Berger à Neuilly-le-Réal (03), Aubrac par Auvergne viande à Riom (63).Truites : Pisciculture bio du Moulin de la Charme à Puy Guillaume (63), Ferme aquacole du Cézallier à Ardes-sur-Couze (63).Fromages frais et secs : La ferme de la Passiflore et le Petit Franchesse à Rocles (03). Fromagerie de La Sioule à Saint-Pourçain.Safran : La Maison d’Aristée à Périgny (03)
Un des must de l’Auberge de Meillard : selle d’agneau sur nid de foin en cuisson à l’étouffée avec son gratin dauphinois à la truffe, ses asperges et ses pickles de pleurotes.
Coordonnées : impasse de l’auberge, 03500 Meillard ; aubergegourmande.meillard@gmail.com ; tél.04.70.46.03.78.Le restaurant est ouvert le vendredi midi et soir, samedi midi et soir, dimanche midi et lundi midi.Textes : Thierry GauthierPhotos : Corentin Garault