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Июль
2024

Fabuleux destin de deux enfants de la Baie de Somme qui ont appris à communiquer avec 500 oiseaux différents

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Sifflement, gazouillis et autres roucoulements... Chants mâle et femelle, parade nuptiale ou cri de fuite... Amis d'enfance dans la Baie de Somme, réunis par la même passion, Jean Boucault et Johnny Rasse peuvent communiquer avec cinq cents espèces d’oiseaux différentes. De leur passion, ils ont fait un métier et une mission, mais aussi des spectacles universels qui tournent dans le monde entier. On les appelle les Chanteurs d'oiseaux.

Ils marient la Nature et l'art 

En 2006, le directeur du festival des Forêts de Compiegne a la folle idée de les placer sur la même scène avec le pianiste et improvisateur, Jean-François Ziegel. Et la symbiose entre la Nature et l’art a fonctionné pleinement. Depuis, les collaborations avec d’autres grands musiciens se sont succédé. À tel point qui le duo est devenu l’une des révélations des Victoires de la musique classique en 2017. 

Invités par le Festival de la Vézère, les Chanteurs d’oiseaux se produiront aux Jardins de Colette à Varetz (19), d’abord, seuls, lors d’une déambulation : Jardin d’oiseaux à 17 h 30, puis à 20 heures aux côtés du quatuor de saxophones Zahir.

Le geste fondateur  

C'est Jean Boucault qui s'est fait le porte-parole du duo pour répondre à nos questions. 

Quel a été le geste fondateur dans votre art ?

Ça a fait l'office d'un livre (Chanteurs d'oiseaux : le fabuleux destin de deux enfants qui ont appris la langue des oiseaux, NDLR).  En rentrant d'école, dans la Baie de Somme, je voyais une troupe de goélands argentés qui passaient régulièrement au-dessus de notre village. Un jour, j'ai poussé un cri. La troupe m'a repassé dessus et m'a répondu. Je me suis dit que je pouvais parler aux oiseaux. Johnny, qui est un peu plus jeune, est devenu chanteur d'oiseau, un peu à mes côtés. Je prenais des cours de chants d'oiseaux chez son père. Lui, il assistait aux leçons et je pense qu'il était un peu jaloux. Dans son coin, il a réussi à trouver la technique de sifflement avec les doigts, que moi, je n'avais pas. Il a proposé une autre façon de faire des chants d'oiseaux. 

Pharmacien et ingénieur se sont envolés ailleurs 

Vous avez fini vos études, sans vraiment exercer vos métiers, pour devenir les chanteurs d'oiseaux. 

J'ai travaillé six mois en pharmacie, Johnny a eu son diplôme d'ingénieur et il a arrêté le jour même. Ce qui nous a poussé, c'était un mélange d'une grande envie et de passion, mais aussi une demande du public. On commençait à avoir beaucoup de dates. On ne pouvait pas refuser des spectacles à l'autre bout de la France. Finalement, c'est arrivé presque naturellement. On n'est qu'à moitié fou (rires).  C'est le public qui nous a basculé dans ce milieu. Si on n'avait pas cette demande, on serait resté dans notre coin à faire des chants d'oiseaux pour le plaisir. 

Par chance et sans réellement le vouloir, on est devenu des intermédiaires entre la Nature, les oiseaux et les spectateurs.

On refait écouter la Nature, on fait écouter la musique classique à des gens qui ne l'écoutaient pas forcément. On fait lire des livres aux gens qui ne lisaient plus. Grace aux oiseaux, on arrive à transmettre des histoires et des passions au public.  Dans notre enfance, on s'était éloigné des humains, c'était une passion de petits garçons qui étaient un peu seuls et dans l'introspection. Elle nous a, en fait, ouvert grand les portes de l'Humanité.  Grâce aux chants d'oiseaux, on arrive à changer une atmosphère, à créer des moments suspendus dans le temps où les gens se focalisent sur ce qui est autour d'eux. C'est magique.  

À chaque fois, créer un parcours, une histoire 

Une fois dans une forêt, un parc ou un jardin, comment vous établissez le contact avec les oiseaux ? Pourquoi c’est nécessaire de prendre son temps ?   

On fonctionne comme les oiseaux migrateurs qui quittent un territoire, volent et arrivent dans un nouvel endroit, où il faut trouver où est le point d'eau, la nourriture, un endroit pour dormir et avec qui ils vont pouvoir interagir.

On arrive avec nos chants d'oiseaux et la nature qui nous entoure. À chaque fois, il faut créer un parcours, une histoire. C'est passionnant, car il s'agit, dès l'instant où l'on arrive, de créer un spectacle unique, sur mesure. Aujourd'hui, il suffit que les gens me disent quels étaient le premier et le second oiseau qu'on a imité et je peux leur dire l'endroit où ça s'est passé. 

Des milliers d'heures d'observation

À quel moment vous avez commencé à comprendre le langage des oiseaux ? Qu’est-ce qu'ils vous racontent ?

On voit leurs comportements, en fonction des chants qu'ils émettent. Ça représente des milliers d'heures d'observation. Après, on les compare avec les différents dialectes d'espèces et de genre d'oiseaux. On voit qu'il y a parfois des similitudes dans le comportement ou dans certains sons qui ont des significations : cri d'alarme, cri de détresse ou de joie... 

Dans notre enfance, longtemps, on s'est pris pour des oiseaux. Là, un petit peu moins. 

Médiateurs et mesagers

Dans votre palette vocale, il y a aujourd'hui combien de chants d'oiseaux ?

On peut dire 500, et on travaille sans cesse sur d'autres. La semaine prochaine, on part en Corée pour une tournée de six jours. Toute cette fin de semaine, on va travailler sur les oiseaux sud-coréens, à la fois grâce aux chants enregistrés et les échanges avec les ornithologues locaux.

Vous êtes les médiateurs entre la Nature et les hommes, mais aussi les messagers d'une nécessité de protéger les territoires et les oiseaux ? 

Oui. On emmène le public dans des lieux privilégiés pour les mettre en valeur. Il n'est pas nécessaire de faire 2.000 km. Juste en bas de chez soi, il peut y avoir un lieu magique avec des oiseaux rares et c'est ça qu'il faut protéger. 

La rousserolle effarvatte est inimitable !

Quels sont les chants d'oiseaux les plus difficiles à imiter et pourquoi ? 

Il y en a beaucoup qui sont compliqués. Ça dépend aussi de notre état physique. Le soir, on est meilleur en voix, le matin, on est meilleur en sifflement. Il y a quand même plein d'espèces qu'on ne sait pas faire, parce que trop rapides, trop virtuoses, comme la rousserolle effarvatte ou turdoïde ou certains hérons sud-américains. Il reste tout de même pas mal d'espèces qui sont presque inimitables.

Conserver le son, la vibration

Quelles sont les qualités vocales, les techniques à maîtriser pour pouvoir imiter les chants d'oiseaux. 

C'est une question compliquée.  On a beaucoup de demandes de professeurs de chant qui nous invitent à faire des master classes sur notre technique. Je leur réponds : "On va détruire nos 20 ans de travail. Parce qu'il s'agit des techniques empiriques. Par exemple, il y a très peu d'oiseaux qui stabilisent une note. La note, juste ou fausse, c'est un concept humain. Nous, on va là où personne ne s'y aventure. La seule technique, c'est d'y aller et d'y aller. Après pas mal de travail, à un moment, un jour, on réussit à faire la bonne note, cette note d'oiseau, ce fameux son. Votre corps va vous l'offrir et il faut savoir la conserver. Dans ces moments, Il y a une vibration particulière, comme chez un peintre ou un musicien. C'est bien de le faire chez soi ou en répétitions, mais, après, il faut le refaire dans un autre contexte. Il y a deux possibilités de jouer avec ce son, soit avec une partition de musique (on trouve que ça va super bien avec la musique), soit lors d'une déambulation en extérieur, en l'associant aux interactions avec les oiseaux.

"On a joué sur les toits des musées et en plein milieu des cités" 

Comment s'est opéré votre rencontre avec le quatuor de saxophones Zahir qui se produit avec vous en Corrèze ?

On les a rencontrés, au Festival des forêts à Compiegne, en Picardie. On a commencé à faire des concerts ensemble et ça marche très bien. Il y a une tournée au Maroc, qui se met en place pour l'année prochaine. Ce n'est que le début d'une superbe histoire. 

On a aussi une tournée aux États-Unis et au Canada, qui va être décalée, pour concorder avec la publication de notre livre traduit en américain, prévue en mars.

Quel est l'endroit le plus insolite, dans lequel vous vous êtes produit ? 

On a joué dans des endroits fous. Pendant le confinement, c'étaient des toits de musées parisiens, comme musée d'Orsay. On garde de très beaux souvenirs aussi du jardin de Nîmes, des jardins d'Arequipa au Pérou. À Charleville-Mézières ou à Toulouse, on a joué en plein milieu des cités... L'oiseau nous donne des ailes pour aller partout.

Un avenir sur le grand écran

Qu'est-ce que vous vous souhaitez pour l'avenir ? 

Aujourd'hui, on signe un contrat pour que notre livre devienne un film. C'est une des meilleures boîtes de production françaises qui vient d'en acheter des droits.  Après, par rapport à l'achat des droits, il n'y a qu'un livre sur deux qui est vraiment porté à l'écran. Mais, ils sont enthousiastes et il y a beaucoup de chance que ça se fasse. Donc, normalement, dans les trois années à venir, on va participer à la construction d'un film sur notre histoire qui raconte comment deux petits gars ont pu vivre ce qu'on a vécu.

L'année dernière, on avait déjà participé au doublage des films Le règne animal de Thomas Cailley et Hors saison de Stéphane Brizé. 

  

Finalement, ces gamins de la Baie de Somme, qui ont commencé à parler aux  oiseaux, ils ne vous ont jamais quitté ?

Oui, on ne les a pas trahis. Mais aussi, parce que les humains étaient gentils avec nous.  Au début, ça ne marchait pas très fort. Ça vivotait. Nos entourages nous ont soutenus. Il fallait quand même croire en soi et à ses rêves et saisir sa chance. On a le bonheur de vivre dans un pays en paix qui donne de la place aux oiseaux et permet aux artistes de s'exprimer partout.

 

Propos recueillis par Dragan Perovic