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Июль
2024

Chez les loyalistes de Nouvelle-Calédonie, une peur devenue viscérale

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Un soir comme tant d'autres depuis le 13 mai et le début des émeutes, dans une résidence sur les hauteurs cossues de Tuband, dans le sud de Nouméa.

La nuit est tombée bien vite en cette période hivernale du Pacifique sud, les habitants sont cloîtrés chez eux, couvre-feu oblige, alors que certains d'entre eux veillent sur des barrages, érigés pour protéger leur environnement face aux violences, expliquent-ils.

Juliette et son mari Pascal, Jean-François, Sylvain, Sophie, Henri (prénoms modifiés) sont attablés autour d'un verre, dans la grande maison avec vue panoramique de leurs hôtes de la soirée, Marie et Jean-Daniel. Ils se remémorent le premier affrontement, juste en bas de la résidence dans un rare témoignage à l'AFP. Ce soir-là, la peur est devenue "viscérale".
"Voisins vigilants"
"On a vite compris qu’il fallait qu’on sauve notre peau. Qu’on se protège, en tout cas", défend Marie. Les barrages de "voisins vigilants" se sont dressés dans la foulée.

"La première exaction est celle qui a fait comprendre à tout le monde que s’il n’y avait pas une petite résistance, ça rentrerait dans les quartiers sud (les plus riches) et ils brûleraient des maisons", abonde Sylvain. "Une image qui me restera toujours, c’est de voir monter 30, 40 personnes en courant avec des machettes et des bâtons, on voit ça que dans les films ! (...) On a le réflexe de se défendre comme on peut mais on est sûr de mourir à ce moment-là".

La discussion s'anime d'un coup. "C’est notre corps qui faisait le barrage. On était une trentaine debout, comme ça. L'estomac était serré, les trois premiers jours, j'ai perdu 6 kg !", lance Pascal, Français d'origine vietnamienne, soulignant que ses deux restaurants ont entièrement brûlé.

Et puis vient le sujet du racisme et là, la colère monte. Chez Marie, Calédonienne depuis sept générations, comme chez Sophie, qui a installé son cabinet médical sur l'archipel à la fin de ses études il y a 30 ans.

Les indépendantistes kanak "font monter un racisme qui n'existait pas avant. Maintenant c’est: +tu es un sale blanc !+ C’est pas nous qui avons installé ce racisme de couleur. Qui n’existe pas", assure Sophie.

"Chez eux, y a un truc viscéral, ancré : leur projet n'est pas de vivre avec nous. S’il y a un accord, il ne vaudra rien", redoute Sylvain, conforté dans son propos par Jean-François, entrepreneur, qui estime être d'une "tolérance que vous ne pouvez même pas imaginer" envers les Kanak qu'il emploie.

Henri reconnaît "se battre pour rester Français", "parce que c’est toujours mieux" que ce qu'il nomme "une dictature de suprémacistes kanak".

"Si j’avais senti qu’avec l’indépendance, on allait vers (un modèle sociétal comme) Dubaï, je signais aujourd’hui. Mais pour faire un monde dans le passé, perdre des acquis sociaux, le progrès, etc., ça ne nous intéresse pas", dit Henri.

Tout le monde acquiesce.
Partir: un "non-sens"
"Partir d’ici, pour moi, c’est un non-sens. Je suis une cinquième génération, je n’ai aucune famille en métropole. La France, ce n’est pas ma maison. Chez moi, c’est ici, je n’ai rien connu d’autre dans mon cœur, dans mon sang. Je resterai ici jusqu’au bout" poursuit Henri avant d'être coupé par Sylvain.

"Mais en Calédonie t’es en France ! Moi je suis venu en Calédonie, en France. Pour moi ça reste la France", dit ce promoteur immobilier très remonté contre "la réponse de l’Etat français" à la crise.

Lui "reste d’abord parce qu'(il a) encore un peu envie d’y croire". "Mais je me demande si ce n’est pas une histoire de déni. Pour être tout à fait transparent, c'est le patrimoine que j’ai ici qui me fait rester", dit ce quadragénaire, par ailleurs également propriétaire de "galeries d'art à Paris". "L’idée pour moi était d’avoir investi dans des biens et de me dire que ce serait ma retraite. Au moment où on se parle, je suis ruiné. Alors comme je n’ai pas envie de l’admettre vraiment, je me dis qu’il y aura peut-être un demain, un après-demain", confie-t-il.

De fortes explosions retentissent tout à coup à l'extérieur, dans le bas du quartier, plus populaire, composé de logements sociaux. "Y a une centaine de mecs", chuchote-t-on alors que certains consultent des messages sur les réseaux sociaux depuis leur téléphone, talkie-walkies à portée de main.

Marie n'en peut plus. Jean-Daniel, son conjoint, dit rester "pour elle", "et par principe" aussi. "Je ne crois pas que ça va s’améliorer. Je ne crois pas qu’ils seront gentils demain. Je ne crois pas qu’on va les changer. Je ne crois à rien du tout !"