Au Rwanda, Paul Kagame en route vers un quatrième mandat avec 99% des voix
Allure détendue, tenue relâchée, lunettes de soleil sur les yeux, Paul Kagame a fait une apparition décontractée lundi dernier au bureau de vote de Kigali, la capitale rwandaise. L’air sûr de lui, le président sortant sait d’avance que l’issue du suffrage sera favorable à sa quatrième réélection. Le soir même, les premiers résultats portants sur 79 % des bulletins dépouillés le placent très largement en tête avec 99,15 % des voix. Une issue sans surprise pour les 9 millions d’électeurs rwandais appelés aux urnes. Vingt-quatre ans après sa première élection à la tête du Rwanda, Paul Kagame semble définitivement indétrônable.
Plus un plébiscite qu’une électionDeux candidats faisaient face au dirigeant de 66 ans. D’un côté, Franck Habinez, chef du seul parti d’opposition en lice sur les 11 formations politiques dans le pays et, de l’autre, Philippe Mpayimana, candidat indépendant. Une composition similaire à celle du précédent suffrage en 2017 qui s’était soldé par une victoire de Kagame avec 98,63 % des voix.
Pour la première fois, le pouvoir a décidé cette année de synchroniser l’élection du président avec celle des députés, prévue en septembre 2023, afin de réduire les coûts de l’organisation des scrutins. Le parti de Paul Kagame, le Front patriotique rwandais (FPR), devrait sortir vainqueur du scrutin législatif et augmenter sa présence au Parlement. Une confirmation sans surprise de l’hégémonie du FPR à travers le pays, qui donne à ce scrutin les allures d’une « mobilisation populaire », visant à « réaffirmer la confiance du peuple envers Paul Kagame », conclut l’ancien journaliste et écrivain Antoine Glaser. Les résultats définitifs de ce scrutin majoritaire en un seul tour sont attendus le 27 juillet prochain.
Mais comment expliquer de tels scores pour Kagame ? Pour Antoine Glaser, il est clair que le président est un homme « dur et autoritaire ». Le FPR dirige d’une « main de fer » un pays qui s’apparente à une « démocratie autoritaire », ironise-t-il. De récents rapports des ONG Human Rights Watch et Amnesty International alertent sur les « sévères restrictions » imposées durant la campagne à l’opposition qui, selon ces rapports, a fait face à des « menaces », des « disparitions forcées » voire même à des « meurtres ».
Autoritaire mais aduléToutefois, d’autres raisons expliquent la popularité immense de Kagame, ne se résumant pas uniquement à un pouvoir dirigiste. Bien que les conditions du vote soient assez opaques, il est certain qu’une « très large majorité de la population lui est favorable », selon Maria Malagardis, journaliste à Libération ayant couvert le génocide rwandais en 1994. L’arrivée au pouvoir du FPR, qui a mis fin au massacre des Tutsis en 1994, s’est accompagnée de l’idée du « plus jamais ça » explique-t-elle. La menace plane toujours et la peur entraîne la population, née pour 60 % d’entre elle après le génocide, à se ranger derrière Kagame.
Une figure libératriceL’un des grands chantiers de Kagame fut celui de la mise en place d’une « coalition entre ethnies, remarque Maria Malagardis, on ne parle plus de Hutus ou de Tutsis mais de Rwandais ». Au sein de l’Afrique subsaharienne, le pays est considéré par ailleurs comme un miracle économique. Le régime de Kagame a drastiquement modernisé le pays et a par exemple mis en place « la couverture médicale universelle pour tous » ou « des bourses pour les étudiants », confie la journaliste. Le régime s’est également doté de l’une des armées les plus puissantes de la région. Un bilan positif qui profite largement à Kagame. Si ce dernier a réformé en 2015 la constitution pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, des questions se posent désormais sur sa succession.
Victor Delair