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Июль
2024

La bataille entre les couteliers de Thiers et de Laguiole continue

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Jeudi 11 juillet, un coup d’arrêt a été mis sur le dossier d’indication géographique (IG) couteau Laguiole porté par l’association Claa (1) basée à Thiers. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait annuler la décision de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) qui refusait l’IG Couteau de Laguiole portée par le SFACL (2), et la décision qui homologuait l’IG couteau Laguiole portée par Claa.

Réjouissance à Laguiole, coup de massue à Thiers

"Cette désignation ambiguë constitue une source d’incertitude pour le consommateur qui ne pourra immédiatement identifier le produit comme provenant du lieu géographique associé", souligne la Cour dans un arrêt. "Ni les couteliers thiernois, ni ceux d’autres régions de France ayant fabriqué et commercialisé des couteaux de cette forme, […] n’ont participé à la réputation du couteau de Laguiole, issue tout à la fois de son histoire, de la tradition locale et du savoir-faire des couteliers locaux", a indiqué la Cour dans un second arrêt, précisant néanmoins que ce savoir-faire "n’est effectivement pas exclusif" à la région de Laguiole, l’Aubrac.

Le SFACL milite pour que les Laguiole ne soient plus fabriqués qu’au Nord-Aveyron. Claa souhaite que la fabrication s’étende dans 94 communes de l’Aveyron, de la Lozère, du Cantal, du Puy-de-Dôme, de la Loire et de l’Allier.

Côté Aveyronnais, l’heure est aux réjouissances.

Ce jugement est extraordinaire, lance Honoré Durand, président du SFACL. Il est clairement dans l’esprit de la loi sur les indications géographiques. C’est une belle réussite pour le consommateur. 

Car c’est pour défendre la clientèle qu’Honoré Durand s’est battu ces dernières années. "Je n’ai rien contre Thiers, assure-t-il. Mais on peut raconter ce qu’on veut, le consommateur veut être averti d’où vient le couteau qu’il achète. Et jusqu’à maintenant, on lui mentait." Pour le coutelier, un Laguiole doit être fabriqué à Laguiole, et nulle part ailleurs.

Côté Thiernois, c’est la douche froide. "C’est une catastrophe qui nous tombe dessus", lâche Yann Delarboulas, vice-président au sein de Claa, dirigeant de l’entreprise Fontenille-Pataud à Thiers, et président de la Fédération française de coutellerie. Depuis que le jugement a été rendu, Claa tente d’évaluer les conséquences pour la filière coutelière du bassin thiernois. 

Si le dossier laguiolais est validé par l’Inpi, cela aura de vraies grosses conséquences économiques pour le bassin. La fabrication de Laguiole représente 400 emplois en temps plein. Et au-delà de ça, c’est toute une filière qui va être fragilisée si on ne peut plus fabriquer de Laguiole.

Alors qu’une "réunion de crise" se tenait hier, mardi matin, les membres de Claa envisagent plusieurs pistes pour rebondir. "Il y a la cour de cassation, mais c’est très coûteux, et nous n’avons pas les moyens, il faut que nous levions des fonds via les pouvoirs publics peut-être. Il y a aussi la possibilité de redéposer un dossier à l’Inpi", confie Yann Delarboulas.

Les conséquences économiques sur le bassin thiernois, depuis Laguiole, Honoré Durand les entend, mais se cantonne à ce que dit la loi. "Thiers joue sur le volet économique, mais ce n’est pas moi qui ai créé cette loi. Je demande qu’elle soit respectée, c’est tout."

Pendant que dans l’Aveyron, au sein du SFACL, on pointe du doigt Claa, "un discours vicié et un dossier déposé simplement pour nous contrecarrer", à Thiers il y a une prise de conscience. "On pensait qu’on se battait tous contre le même adversaire, la Chine ou le Pakistan qui fabriquent des Laguiole et les importent en France. Mais non, à Laguiole, c’est contre nous qu’ils se battent. Ils veulent 100 % de la part du gâteau. On n’avait pas le même but", regrette Yann Delarboulas.

Les dossiers réévalués

À Laguiole, le syndicat "va tout faire pour obtenir l’IG". À Thiers, Claa "ne va rien lâcher" non plus. Tandis qu’à l’Inpi, pour qui une telle décision de justice est une première depuis 2015, "la procédure va repartir sur la base des dossiers reçus en 2020 et 2021, à la lumière de la décision de justice".

(1) Claa, Couteau Laguiole Aubrac Auvergne, compte 41 adhérents, pour 38 fabricants et sous-traitants, dont deux à Laguiole. (2) Le SFACL, Syndicat des fabricants aveyronnais, regroupe sept membres, tous basés dans le bassin laguiolais.

Sarah Douvizy