Armstrong qui coupe à travers champs, Froome qui trottine dans le Ventoux... Cet ancien motard de presse raconte ses souvenirs du Tour
Le bon moment au bon endroit. Cette phrase résume à merveille la carrière de Guy Andrieu, entré en 1980 à l’Agence France-Presse (AFP) pour un simple job d’été. « Je peux dire que j’ai eu de la chance », répète ce fils d’Auvergnats de Paris, élevé dans une brasserie.
Au tout début, il classait les dépêches papier, feuille par feuille. Puis il a navigué de service en service. Repro, courrier, coursier… « En 1992, l’un des trois motards de presse arrête, retrace-t-il. L’AFP voulait quelqu’un ayant le permis moto et de la maison. J’ai postulé. Le coup de bol… »
Jusqu’au 1er janvier 2022, date de sa retraite et de son déménagement à Méallet, dans son Cantal adoré où, enfant, il passait ses vacances, Guy Andrieu n’a plus manqué un Tour. Sur sa moto, avec un casque estampillé « 15 », il pilotait les photojournalistes.
Photo Jérémie Fulleringer.
Miguel Indurain est l’un des premiers champions à le marquer. « Je l’ai vu descendre le Galibier. J’étais à 100 km/h à côté de lui ! » Il se revoit, la main sur la poignée, à envoyer des « grands coups de gaz » pour garder son avance entre les sommets.
Lance Armstrong tel un cyclo-crossmanUne image ne le quittera jamais : le cycliste italien Fabio Casartelli « par terre, recroquevillé contre le Dr Porte » après sa chute mortelle contre une borne en ciment, en 1995, dans la descente du col de Portet-d’Aspet (Pyrénées).
Moins grave, la chute de Joseba Beloki est entrée dans la légende. C’est celle qui a poussé Lance Armstrong à couper à travers champs, à Gap, en 2003, pour éviter le grimpeur basque, au sol, piégé par ce satané goudron qui fondait sous les roues. Coup de chance. Guy Andrieu était au bon moment au bon endroit. Lui et le photojournaliste Joël Saget s’étaient fait « jeter » par la direction de course. Dépités, ils avaient donc choisi de se garer au bord d’un virage en épingle, dans la descente, sans vraiment y croire. Puis lorsqu’en face, ils ont vu débouler le maillot jaune tel un cyclo-crossman, l’un a mitraillé… et l’autre a croisé les doigts. « Tu l’as là-dedans ? Si t’as pas la photo, tu rentres à pied ! » balance alors Guy Andrieu à son binôme. Ils sont rentrés à moto, de l’or dans le boîtier.
— Le Parisien (@le_Parisien) September 2, 2020La neige en juillet, l'affaire Festina, les vélos de Froome
La neige en juillet, qui oblige la Grande Boucle de 1996 à modifier le tracé de la 9e étape (« je me souviens d’un gendarme violet tellement il faisait froid ! »), des clous de tapissier balancés sur le final de la 14e étape du même Tour (les motards se moquaient des « mauvais boyaux » des coureurs… jusqu’à ce qu’eux aussi commencent à crever), l’affaire Festina et l’été 1998 passé à pister les descentes de police (« on se levait le matin en se demandant “devant quel commissariat va-t-on planquer aujourd’hui ?” »), impossible d’évoquer tous ses souvenirs.
À cause de fortes rafales de vent, l’ascension finale de l’étape du 14 juillet 2016 est raccourcie de six bornes au mont Ventoux. « La route était noire de monde », rapporte-t-il, car tous ces spectateurs qui devaient se masser au sommet sont redescendus. Résultat, c’est la cohue. « Le public s’écarte pour les coureurs, mais pas pour les motos », déplore Guy Andrieu. Gênée, une moto de France Télévisions pile devant le groupe de Christopher Froome, qui casse son vélo. Dans la pagaille, le motard de l’AFP s’arrête aussi. Et là, « Froome pose son vélo contre ma jambe ! », s’estomaque Guy Andrieu. Le leader de l’équipe Sky continue à pied. Il court. « Un vélo Mavic » lui est finalement tendu : une bicyclette de secours. Il n’arrive pas à pédaler avec ! Descendu de son carrosse, le photojournaliste Jeff Pachoud se paye un footing et saisit, de dos, les petites foulées du maillot jaune. Du jamais-vu.
Le Tour de France dans le Cantal, 65 ans d'histoires
Romain Blanc
Follow @rmnblanc