ru24.pro
World News
Июль
2024

Visiteuse de prison à Guéret, elle défait les barreaux des préjugés

0

Parce que la pire des prisons est celle de ne pas pouvoir s’exprimer, Marianne, Guérétoise de 59 ans, donne la parole à des détenus chaque semaine. Depuis octobre 2023, elle est visiteuse de prison à Guéret après avoir rejoint l’ANVP (Association nationale des visiteurs de prison), une fédération nationale qui permet à ses adhérents d’entretenir des relations privilégiées avec des personnes incarcérées.

Avec des connaissances dans le milieu carcéral, la Guérétoise s’est décidée en 2023. « J’ai envoyé ma lettre à la direction à Bordeaux puis des enquêtes ont été faites pendant presque une année car on ne rentre pas dans des prisons comme dans un moulin. » Ses qualités d’écoute, de bienveillance et d’humanisme ne font pas de doute. Son regard perçant en témoigne à la première rencontre. « J’ai commencé mes visites à la maison d’arrêt de Guéret en octobre 2023 », raconte avec fierté Marianne.

« Cette relation,  on la construit dans l’écoute, le regard,  le respect »

Une fierté assumée car elle est certaine de la nécessité de son engagement. Quand bien même on pourrait le lui reprocher comme l’une de ses amies a pu le faire au début. « “Qu’est-ce que tu fous là, tu n’as pas autre chose à faire que de t’occuper de ces crapules ?”. C’est ce qu’elle m’a dit. Et ça m’a vraiment blessé, regrette Marianne. Alors je lui ai expliqué pourquoi je fais cela. En qualité de citoyenne, on ne peut pas dire vouloir bien vivre dans la cité si on n’y est pas impliqué. Et celle-ci est une implication comme d’autres mais j’en suis fière. »Ainsi, chaque mardi, sur ses jours de repos, la visiteuse de prison va à la rencontre de détenus qui en ont préalablement fait la demande auprès du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation). Actuellement, elle s’entretient de manière régulière avec trois jeunes détenus et elle est parvenue à construire dès le début une relation de confiance avec chacun. « Cette relation, on la construit dans l’écoute, le regard, le respect, expose Marianne. Si on donne confiance à la personne, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas, mais il faut la guider, la comprendre. »

Un échange confidentiel

Durant des entretiens qui peuvent parfois durer plusieurs heures, les détenus se livrent sans fard. Dès la première rencontre d’ailleurs, chacun a tenu à décrire à Marianne les faits pour lesquels il a été condamné. Comme pour se libérer d’un fardeau avec lequel ils doivent désormais apprendre à vivre. Mais aussi parce qu’ils savent que le secret est la norme à chaque entretien. Une règle intangible pour tous les visiteurs de prison.

« C’est très riche d’enseignement car je vois actuellement trois jeunes qui ont des parcours de vie cabossés. On parle de tout : de sport, de politique, de la vie quotidienne, de la pluie et du beau temps. » Chaque conversation, même si banale soit-elle revêt une importance singulière. Toutes sont loin d’être insignifiantes. Au contraire.

Ils ne demandent qu’à parler, qu’à s’ouvrir.

Les visites de Marianne sont perçues comme une véritable bouffée d’oxygène. « Les trois personnes que je vois, elles n’ont plus rien, tient à souligner la visiteuse. Et une fois de plus, la solitude et le manque d’amour font tout faire. » Les extraire de cette solitude, la Guérétoise s’y emploie avec détermination chaque semaine. Aujourd’hui, un prisonnier sur deux n’a plus aucun lien physique avec sa famille durant l’incarcération en France.

Faciliter la réinsertion

Le but de son engagement en tant que visiteuse de prison est aussi de faciliter la réinsertion des détenus. « Je crois à cela, assure Marianne. Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas la chance d’être encadrés par des parents, d’autres qui n’ont pas du tout de famille. On est tous dépendants les uns des autres. Je les encourage tous à lire, à faire des formations, à faire plein de choses… Aujourd’hui, on montre toujours du doigt les petits jeunes. Il ne faut pas les montrer du doigt mais leur tendre la main. Il faut qu’ils puissent avoir leurs chances car si tu n’as pas de famille et qu’en plus, la société ne te la donne pas, cette chance, et bah tu ne peux pas réussir. »

Un discours philanthrope que Marianne aspire à entretenir autant qu’elle le peut. « Aujourd’hui, la société est trop placée sous le signe de la différence et de la stigmatisation. » Quand un détenu vient la voir avec un diplôme qu’il vient d’obtenir, la visiteuse est heureuse. Tout simplement. « Je reçois autant que je donne. Et je le redis, je suis extrêmement contente de la mission que je mène auprès d’eux. »

À l’avenir, Marianne aimerait pouvoir rencontrer davantage de détenus. Que sa « mission » prenne encore plus d’envergure. À ce jour, elle est la seule visiteuse de la maison d’arrêt de Guéret alors qu’il n’y en avait plus depuis plusieurs années. Elle fait partie des 1.300 bénévoles qui, partout en France, donnent aux prisons une nouvelle fenêtre sur l’extérieur. Qui tous, à travers leur engagement, croient à cette phrase de Victor Hugo : « Il est un droit qu’aucune loi ne peut entamer, qu’aucune sanction ne peut retrancher : le droit de devenir meilleur. » 

(*) Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié.

 

Vincent Faure