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2024

"Psychose" : Anthony Perkins, la vie queer cachée d’une légende d'Hollywood

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Têtu 

Programmé par Arte cet été, le documentaire Anthony Perkins, l’acteur dans l’ombre de "Psychose" revient sur la carrière dans le placard de l'interprète de Norman Bates. L'occasion de vous la raconter…

Sa silhouette est reconnaissable entre mille : celle d’un homme au corps longiligne propriétaire d’un motel perdu au milieu de nulle part. Avec le personnage de Norman Bates, l'acteur américain Anthony Perkins est passé à la postérité, mais n'a jamais pu se défaire de cette image. Anthony Perkins, l’acteur dans l’ombre de "Psychose", documentaire de Christophe Champclaux programmé sur Arte le samedi 6 juillet et disponible en streaming sur arte.tv et YouTube, permet de découvrir la personnalité complexe et les désirs cachés d’une des légendes les plus énigmatiques d’Hollywood.

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Anthony Perkins passe toute sa carrière, qui débute en 1953, dans le placard. Depuis les années 1930, les acteurs gays ou bi d'Hollywood, comme Montgomery Clift (Tant qu'il y aura des hommes) ou Raymond Burr (Fenêtre sur cour), mènent une double vie. À cette époque, les studios orchestrent des rencards et même des mariages arrangés entre leurs stars gays et des actrices. C'est ainsi que Rock Hudson épouse la secrétaire de son agent, Phyllis Gates.

Le fiancé idéal de l’Amérique

Lié à un contrat de sept ans avec la Paramount, Anthony Perkins est un oiseau en cage qui n’a d’autre choix que de répondre aux exigences du président du studio, Barney Balaban, qui le déteste en raison de son homosexualité. Pour le transformer en gendre idéal, on lui met dans les bras à l'écran Audrey Hepburn, Sophia Loren, Jane Fonda, etc. Dans les magazines, l’acteur apparaît en compagnie de starlettes, avant d’être érigé en star de la chanson – il enregistre de nombreux titres, dont certains en français.

Mais Anthony n'a d'yeux que pour Tab Hunter, un acteur au corps d'Apollon qu'il rencontre autour de la piscine de l'hôtel Château Marmont en 1956. Ce dernier révèle leur relation dans son autobiographie en 2005, à l’âge de 74 ans. "Nous ne pouvions pas aller dîner ou voir un film ensemble car nous étions si populaires à l’époque, se remémore-t-il dans une interview accordée en 2018 à Attitude. La Paramount avait son mot à dire et ne voulait plus qu’il me voie.”

Si les deux beaux gosses font fi des règles, ils sortent toujours accompagnés de leur faux rencard, par souci de discrétion. Quand le magazine à scandale Confidential s’apprête à publier des photos d’eux ensemble, Tab Hunter lui paie 10.000 dollars. En 1957, Anthony Perkins choisit sa carrière à son histoire d’amour : il s’empare d’un rôle très convoité par son amant, celui du Prisonnier de la peur, actant par cette trahison la fin de leur relation.

Norman Bates, le rôle d’une vie 

Deux ans plus tard, Perkins accepte le film de sa vie, Psychose, et déchire son image de gendre idéal. Comme son personnage, l’acteur, marqué par la mort brutale de son père lorsqu’il était enfant, connaît les souffrances d’un fils élevé par une mère abusive. En 1983, dans les pages de People Magazine, il révèlera d'ailleurs avoir été victime d’inceste. 

Alfred Hitchcock savait que mon père était queer et c’est ce qui l’a motivé à l’engager”, lance Osgood Perkins, fils de l’acteur, dans le documentaire Queer For Fear. Norman Bates coche toutes les cases du "méchant gay" et le réalisateur aime choisir des acteurs queers pour jouer des monstres, comme lorsqu’il caste Farley Granger en criminel dans La Corde en 1948.

Dans plusieurs rôles, Anthony Perkins donne à voir son jardin secret. Pour ses débuts au théâtre, dans Thé et Sympathie en 1954, il joue un étudiant brimé par ses camarades car soupçonné d’être homosexuel, situation que l'acteur avait vécue lorsqu’il s'était lié d’amitié avec un camarade gay à l’université. Avec Le Procès, adaptation de Franz Kafka par Orson Welles sortie en 1962, il incarne un héros persécuté dans une allégorie sur l’homophobie à l’ère du maccarthysme.

Idylles françaises

Mais Psychose signe son dernier grand rôle au cinéma, puisqu'il n'enchaîne par la suite que les échecs et les seconds rôles. "C'était à la fois trop bon et néfaste pour lui car plus personne n’était capable de le voir dans autre chose”, analyse son fils. Pour changer d’air, Anthony Perkins choisit la France, tourne avec Claude Chabrol et vit, plus librement, des passions amoureuses, notamment avec Jean-Claude Brialy et Patrick Loiseau, futur compagnon du chanteur Dave. 

Le parolier se livre sur cette relation dans un livre, L’Homme de passage : une histoire d’amours, publié en 2012. Il a 20 ans, en 1970, lorsqu’il rencontre l’acteur dans une boutique Yves Saint Laurent où il est employé. Leur idylle dure dix semaines et prend fin quand Anthony Perkins rentre aux États-Unis. Patrick Loiseau, esseulé, doit se contenter d’une lettre d'au revoir. À son retour en Amérique, la star veut entrer dans le rang. Il s’entoure d’une psychologue, Mildred Newman, et suit des "thérapies de conversion". Il épouse l’actrice et photographe Berry Berenson en 1973 et de leur union naissent deux fils.

Victime des tabloïds

Faute de mieux, Anthony Perkins accepte de rejouer Norman Bates dans Psychose 2, de Richard Franklin en 1983. Des décennies après ses heures de gloire, la presse ne peut s’empêcher de faire allusion à sa sexualité. Pour la promotion du film, People Magazine titre en une : "Comme son rôle de fils à maman, il avait peur des femmes (même de Bardot et de Fonda), jusqu’à ce qu’une bonne épouse ne change sa vie.

En 1990, un employé d’hôpital livre ses tests sanguins au tabloïd National Enquirer qui annonce sa séropositivité. L’acteur découvre son diagnostic en couverture du magazine. L’article ne dépasse pas le stade de la rumeur, ce qui lui permet de préserver le secret pendant encore deux ans. Anthony Perkins meurt des complications du sida le 12 septembre 1992, à l’âge de 60 ans. “Il craignait que si les gens l’apprenaient, il ne pourrait plus jamais travailler”, rapporte sa femme dans le New York Times quatre jours après sa disparition. 

Dans ses derniers moments, Anthony Perkins déclare : “J’ai plus appris sur l’amour, la générosité et la compréhension de l’être humain au cours de cette grande aventure du monde du sida que dans l’univers compétitif et coupe-gorge dans lequel j’ai passé ma vie.”

>> [Bande-annonce] Anthony Perkins, l'acteur dans l'ombre de "Psychose" :

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Crédit photo : French Connection Films

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