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Июнь
2024

Dans “Je suis : Céline Dion”, la superstar dévoile un visage tragique

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Dans Aline, le biopic imaginé par Valérie Lemercier en 2020, la chanteuse décalquée sur la mégastar québécoise était déjà victime d’une extinction de voix qui la condamnait au silence pendant trois mois. Voilà à présent deux ans et demi que Céline Dion, la vraie, souffre d’un mal beaucoup plus grave, puisqu’en plus de l’empêcher de chanter, le syndrome de la personne raide dont elle souffre contraint ses déplacements, occasionne de terribles crises de tétanies (filmées par deux fois dans le documentaire) et menace son existence, puisque l’espérance de vie des personnes atteintes varierait entre six et quinze ans après l’apparition des premiers symptômes.

Tout Céline Dion

Lemercier l’avait pressenti : la pire chose qui pouvait arriver à Céline Dion, c’est de perdre sa voix. C’est lorsqu’il filme la souffrance que déclenche cette perte que le documentaire d’Irène Taylor est le plus saisissant. L’habillage du reste, à savoir un résumé des grandes lignes de la vie de la chanteuse est plus anecdotique et ne sert qu’à accentuer, par effet miroir, le changement de paradigme auquel elle est confrontée. L’icône mondiale est ici filmée chez elle, dans un quasi-rôle de femme au foyer ou d’ermite, s’occupant de ses deux jumeaux et de leur chien, mais surtout, tentant par tous les moyens de soigner sa maladie. 

Ce behind the scene assez clairement destiné aux nombreux fans de la chanteuse fera-t-il date dans l’histoire de la façon dont les images documentent la vie des stars? Oui, car, de mémoire, jamais nous n’avions vu pareille célébrité dévoilée avec un tel degré de transparence doublé d’un total consentement, sa souffrance et sa détresse. Avec ce film, Céline Dion sensibilise le public sur la maladie dont elle souffre, mais on sent qu’il s’y joue quelque chose de plus intime et profond, qui passe notamment par des aveux qu’on ne demandait pas sur les mensonges qui ont un temps dissimulé sa maladie et justifié les multiples annulations de tournées. 

C’est comme si Je suis : Céline Dion actait une rupture identitaire. Ce “:” qui scinde la déclinaison du verbe être et son état civil raconte une scission. On sent chez elle une perte de soi terrible. La star se met d’ailleurs à parler d’elle et de sa voix à la troisième personne, comme s’il s’agissait d’une entité désormais distincte. Ce qui pourrait passer pour un délire de l’égo dit en fait la menace de sa perte et la prise de conscience du poids qu’il représente. Dans une séquence assez bouleversante, elle nous fait visiter les gigantesques entrepôts où s’entassent ses tenues et les souvenirs de sa vie, comme s’il s’agissait d’un musée, d’une époque pour elle désormais révolue. 

Coupée de sa voix

Dans la séquence d’ouverture du documentaire, son ado lui demande quel endroit elle a préféré visiter lors de ses nombreux voyages. Elle lui répond qu’elle n’a rien vu des endroits où elle s’est produite, que c’est le prix à payer, la rançon de la gloire. À ce moment, le fils esquisse un bref geste horizontal sur sa gorge, signifiant “cut”. Et la mère lui demande s’il veut dire par là qu’il lui intime d’arrêter de s’épancher. Dans la circonstance qui est la sienne, le geste revêt une forte charge symbolique. Ce “cut” esquissé de la main évoque aussi la disparition de sa voix. Et si la disparition de sa voix était aussi une forme de rançon de la gloire ? 

Lors d’une scène de crise vraiment glaçante, on découvre à la fin du film que ce qui les déclenche est précisément l’excitation cérébrale occasionnée par le chant. On y voit Céline Dion tétanisée, enfermée à l’intérieur d’elle-même pendant de longues minutes. Ce qu’elle préfère faire le plus au monde, l’en coupe complètement. Déchirant. 

Je suis : Céline Dion de Irène Taylor, sur Amazon.