« Un navire hybride a finalement plus d’impact », Pour Nils Joyeux, la transition énergétique va de pair avec la gouvernance coopérative. Nils Joyeux est l’un des fondateurs de Zéphyr&Borée, compagnie maritime nouvelle génération, et de Windcoop, entreprise coopérative qui propose aussi une révolution éthique... Double casquette, double ambition ?
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Transport, une navigation décarbonées ( À paraitre le 21 juin 2024)
VM : Comment a commencé la double aventure de Windcoop et Zéphyr&Borée ?
Nils Joyeux :En ce qui me concerne, je viens de la Marine marchande et c’est pour participer à la décarbonation du transport maritime que j’ai créé Zéphyr&Borée avec Amaury Bolvin, Victor Depoers et Bernard Peignon. Nous voulions – et voulons toujours – proposer une alternative au transport maritime « mainstream » qui soit sérieuse et crédible pour les industriels. Il y a d’autres manières, toutes respectables, d’aborder le problème : certains utilisent des vieux gréements, d’autres lancent des projets techniquement plus radicaux. Quand nous avons rencontré Julien Noé, qui avait déjà fondé Enercoop dans le domaine de l’énergie, nous avons été challengés sur un autre type de radicalité, celle qui impose une éthique sociale, financière et écologique exemplaire à travers un modèle coopératif. C’était d’autant plus intéressant qu’il y avait une belle marge de progression dans le domaine du shipping… Nous avons donc créé Wincoop avec Julien Noé, une compagnie maritime militante capable de porter une offre alternative qui fédère ses collaborateurs, ses partenaires et ses clients autour de l’écologie. Et nous avons continué sur cette voie, avec Wincoop d’un côté, et Zéphyr&Borée, active sur des projets plus conventionnels, de l’autre. Enfin, plus conventionnels, tout est relatif… Nous avons réalisé le cargo à gréement rigide Canopée, en association avec Jifmar Offshore Service, et nous travaillons actuellement sur un projet portant sur cinq porte-conteneurs à voiles portant 1 200 boîtes. Avec ce type de projets, fondés sur des navires hybrides, on se rapproche des prix de marché, donc on touche plus de clients, ce qui tend à booster notre impact carbone. Mais les projets plus radicaux ont d’autres mérites…
VM : Parlons justement du futur cargo à voiles de Windcoop. C’est le seul à faire le choix du conteneur. Pourquoi ?
NJ :Le conteneur est le modèle logistique dominant, tous les chargeurs et tous les ports peuvent s’y adapter facilement. Le fait de porter des conteneurs donne à notre navire une agilité logistique et commerciale inégalable. Aujourd’hui, je mets en place une ligne avec un client dans un port et un type de produit donné. Mais si dans cinq ans, d’une façon ou d’une autre, ce flux disparaît, je peux instantanément me repositionner ailleurs. Si je transporte en palettes, c’est beaucoup plus compliqué. En outre, les conteneurs évitent les contaminations croisées, notamment quand on transporte des épices, et sécurise les clients. Et en ce qui concerne le navire proprement dit, le fait de porter des conteneurs sur le pont ne pose pas de problème, les gréements que nous utilisons sont de toute façon largement automatisés. Ce gréement sera soit un gréement à ballestron portant les « solid sails » des Chantiers de l’Atlantique, soit une autre solution à ailes rigides proche de celui de Canopée. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, on y travaille !
VM : Que vous apporte votre statut particulier d’entreprise coopérative ?
NJ : Il donne tout son sens au projet et injecte dans l’équipe une énergie collective tout à fait particulière. Pour chacun d’entre nous, c’est à la fois un travail et un engagement citoyen. Et nous incitons d’autres citoyens à prendre et offrir à leurs proches des parts dans Windcoop, parce qu’on préfère financer le bateau avec 10 000 citoyens plutôt que deux fonds d’investissement... C’est à la fois de la finance et de l’énergie collective.