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Июнь
2024

Opération déminage : le business sous-marin des chasseurs de munitions

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Opération déminage : le business sous-marin des chasseurs de munitions

Ce sont les archéologues de nos côtes. Ni pinceau ni truelle, encore moins de chapeau et de lasso dignes d’Indiana Jones. Ils sont plutôt armés de radars, de robots sous-marins et quadrillent les côtes à la recherche d’un butin éruptif : les munitions non explosées (UXO). Les deux guerres mondiales ont laissé un colossal héritage empoisonné au fond des mers et océans. Rien qu’en Baltique et en mer du Nord, plus de 1,6 million de tonnes de bombes, obus, mines ou munitions encore chargées tapissent le plancher marin. La situation est tout aussi problématique le long du littoral français. "La Manche a été plus que bombardée, comme la côte Atlantique", rappelle Fabien Lucas, responsable technique de Geomines, une entreprise spécialisée en diagnostic et dépollution pyrotechnique.

Le terrain de jeu de ces entreprises spécialisées est immense. Leur business, grandissant. "Et nous n’en sommes qu’au début", confirme Thomas Portenart, responsable du service maritime du groupe Géotec. Car ces espaces au large sont stratégiques pour la transition énergétique, avec l’implantation de parcs éoliens et la pose de liaisons électriques sous-marines entre pays.

Mais qui dit recrudescence des activités, dit multiplication des risques. L’explosion de ces déchets oubliés et remués par les courants (ou les pêcheurs) pourrait, si ce n’est dynamiter un projet, au moins sérieusement le retarder. La détection des UXO étant donc un prérequis à tous chantiers, "de nouveaux acteurs ont vu l’opportunité de faire du business", affirme Jean Specklin, adjoint du département Achats, réseau en mer et interconnexions de RTE, le gestionnaire du réseau électrique français.

"Goulot d’étranglement"

Entre dix et vingt entreprises seraient positionnées sur ce filon en Europe. Et il ne s’agit plus seulement des "historiques", celles des pays nordiques, biberonnées à l’expérience du pétrole et du gaz. Toutes, cependant, n’ont pas les moyens d’investir dans de très coûteux bateaux et capteurs – Geomines, par exemple, traite et analyse les données récupérées par d’autres. Certains acteurs demeurent ainsi très sollicités.

Entre les gestionnaires de réseaux, les opérateurs des parcs éoliens (EDF, Engie, etc.) ou encore le ministère de la Transition écologique, qui requiert une première mission de détection avant l’ouverture des appels d’offres, "on arrive à un goulet d’étranglement", s’inquiète Gilles Etheimer, directeur des achats chez RTE. "Il faut anticiper davantage qu’avant, d’une année environ si on veut être serein", détaille Jean Specklin.

Le tarif des missions varie en fonction de la taille des couloirs sous-marins sondés, des moyens déployés et des techniques utilisées. "De quelques centaines de milliers d’euros pour les plus faciles à plusieurs millions pour les plus compliquées", chiffre Jean Specklin. "Le marché français est en retard, mais il sera l’un des plus porteurs à l’avenir", assure Thomas Portenart. Et il débouche parfois sur des découvertes plus surprenantes que dangereuses. Comme ce lingot romain en plomb, vieux de 2000 ans, détecté par 20 mètres de fond avant le raccordement du parc éolien de Courseulles-sur-Mer (Calvados), en 2021. Il est depuis exposé au musée de Normandie. Indiana Jones aurait-il fait mieux ?