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Июнь
2024

Début de saison mi-figue mi-raisin pour les maraîchers bourbonnais

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Un mois de mars pluvieux, des coups de chaud en avril, puis un mois de mai marqué par de nouvelles fortes précipitations et, globalement, un soleil qui peine à sortir le bout de son nez : les maraîchers ne sont pas gâtés, cette année, par une météo pour le moins capricieuse. Résultat : la saison s’annonce mi-figue mi-raisin.

Première difficulté et pas des moindres : « le sol est gorgé de flotte, raconte Loïc Dee, maraîcher bio qui a repris le Jardin des Quatre vents, à Chevagnes, en 2022, après une première carrière professionnelle dans les labos de chimie. Ça rend l’accès aux terrains difficile. Et on a du mal à gérer l’humidité. On a des plants qui tombent malades, même sous serre. »

Cocktail perdant

Le cocktail, sols gorgés d’eau, nuits fraîches, journées parfois bien chaudes, ne pardonne pas. C’est tellement humide que le maraîcher n’a pas arrosé, tomates, courgettes, aubergines (etc.), sous ses serres, depuis un mois et demi, contre une fois par semaine en temps normal. Des serres, il faut le dire, tout sauf hermétiques depuis qu’elles ont été canonnées par la grêle en août dernier. Quand ça ne veut pas…

« En ce moment, on est sur un fil et il faut vraiment que ça sèche, attend Loïc Dee, qui écoule sa production principalement chez les restaurateurs du coin, dans les épiceries locales et auprès des particuliers (avec ses paniers de légumes). Ce qui me sauve, c’est la vente de plants aux particuliers et aux maraîchers. Ça a bien fonctionné de début avril à fin mai (25.000 plants produits au total, dont 9.000 de tomates) et ça permet de faire rentrer de l’argent. »

Pas assez ou trop d’eau

Le paradoxe dans tout ça, c’est que les maraîchers qui cherchent, ces dernières saisons, des solutions pour lutter contre la sécheresse (sur le travail du sol, en testant des variétés de légumes nécessitant moins d’eau…) doivent, cette fois-ci, composer avec trop d’eau. Bref, plus que jamais, le mot d’ordre, c’est l’adaptation.

À l’avenir, il faudra travailler le plus possible sous abri, poursuit Loïc Dee qui possède sur son exploitation 1.500 m2 de serres pour un peu moins d’un hectare cultivé en extérieur. On a aussi décalé les calendriers ou même, on ne fait pas certains légumes. Par exemple, les courges ont pourri, je suis en train d’en remettre, mais si ça ne s’améliore pas d’ici juillet, ce sera une année sans courge.

Mais pas de quoi gâcher l’enthousiasme de ce Bourbonnais d’adoption et Amiénois d’origine, définitivement positif. « Tout n’est pas à jeter. On a eu des courgettes à gogo très tôt et le rendement pour les pommes de terre est meilleur que d’habitude. Et peut-être que la suite de la saison sera correcte. » Les carottes ne sont pas cuites !

"C'est dur d'affronter tout ça..."À Saint-Ennemond, le maraîcher Julien Léger aussi subit des conditions climatiques pour le moins délicates. « C’est sûr, ce n’est pas le début de saison idéal, mais c’est le jeu, on fait avec », accepte le trentenaire, un brin fataliste.« On n’est pas dans une région où le maraîchage est simple. Cette année, ça a commencé par les limaces qui ont mangé toutes les premières salades, les betteraves, les patates douces…, raconte Julien Léger, qui produit ses légumes bio sous serres et en plein air, en bordure de la route reliant Dornes à Lucenay-les-Aix. Maintenant, j’ai peur que les oignons pourrissent dans l’eau. Et que les tomates tombent malades avec toute cette humidité. Si malheureusement ça arrive, c’est le revenu de l’année qu’on va voir partir. C’est dur d’affronter tout ça… »Alors que souhaiter à ce producteur bio, installé depuis 2018 au Domaine Neuf, à Saint-Ennemond où il propose de la vente directe dans son magasin (Le Jardin de l’Abron, à partir de début juillet) ? « Le plus important, c’est qu’on ne parte pas dans les extrêmes niveau météo, qu’on n’ait pas de la pluie tous les deux jours ou 40° pendant deux mois, explique le maraîcher de 35 ans. On espère avoir de la régularité. »

"On a besoin que les consommateurs jouent le jeu"

L’excès d’eau, les limaces, le manque de soleil, les gelées tardives et… des consommateurs pas toujours au rendez-vous. Un coup dur supplémentaire pour les maraîchers locaux. 

Il y a une morosité ambiante avec ce temps. Les gens sortent moins, on voit moins de monde à la ferme que l’an dernier et les marchés sont décevants, regrette Nathalie Cercle, maraîchère bio à Trézelles (La ferme de Layat) et présente sur le marché de Moulins. On a besoin que les consommateurs jouent le jeu, qu’ils fassent le choix d’acheter des bons légumes, produits localement. Ça me dégoûte de voir que la grande distribution fait des chiffres record. Alors que, dans cette période d’inflation, on a décidé de ne pas augmenter le prix de nos légumes… Cette année, il va y avoir de la casse dans la profession. Ça devient de plus en plus difficile de se dégager un salaire. On ne va pas continuer indéfiniment de travailler pour la gloire.

Légumes et trésoreries ont pris du retard

La météo capricieuse, l’humidité, les nuits froides… autant d’éléments qui viennent encore alourdir le moral des maraîchers.

Par exemple ? « À cause de ce temps, on est obligé d’ouvrir et de fermer les serres tous les jours, voire plusieurs fois par jour, ce qui n’est plus le cas normalement courant mai. Notre dernier jour de repos, c’était en janvier ! »

Par exemple encore ? Les légumes ont pris du retard, la trésorerie des maraîchers aussi. « Les tomates qu’on devrait récolter depuis quinze jours ne sont toujours pas rouges. Et cette année, à cause des maladies, on a carrément abandonné les tomates en extérieur. L’impact financier sera là. »

Kevin Lastique