La Garibaldi à Moulins : moitié bar de quartier, moitié bar d'ambiance
- « Comment va, Maurice ? »- « Bof, pas terrible. »Maurice boit son petit jus au Garibaldi, en lisant le journal puis s’en va.Sans un mot. En ce lendemain d’élections européennes, certains déchantent. Dautres continuent de chanter. Alain fait le spectacle, en montrant les photos sur son téléphone : « Regardez les girolles que le gars vendait sur le marché, il les a ramassés, en cette période de l’année ! »
« On m’appelle Alain Deloin en large », déclame-t-il quand Franck débarque : « Police, vos papiers ! ». Sa main droite attend l’accolade, celle d'Alain s’y engouffre. « On n’est pas agressif, mais on n’est pas des timides », sourit Christian, accoudé au comptoir, en tendant la main à son tour.
Derrière le comptoir, Jérémy Guyot sourit. Même s’il a vendu deux paquets de cigarettes durant le spectacle, il n’en a pas manqué une miette.Le nouveau patron, âgé de 34 ans, a repris l’affaire de sa tante, en juin 2023. Lui a grandi à Nantes et ne connaissait personne ici. « Il y a un bon état d’esprit à Moulins, de la gentillesse. J’ai été très bien accueilli par les clients et les autres patrons de bar. »
Il a repris Le Garibaldi, avec la volonté de « rendre service ». Il est ouvert TOUS LES JOURS, insiste-t-il. De 8 heures à 21 heures. « Sauf les lundi et mardi, je prends ma matinée ». Une amplitude horaire qu’il vit avec légèreté :
Je n’ai pas l’impression de travailler, quand je me lève, j’ai un sentiment de sérénité. Je suis en phase avec moi-même. Le dimanche, il y a une salariée, à cause de l’affluence : le matin, c’est le marché et l’après-midi, étant le seul bar-tabac ouvert, ça ne désemplit pas.
Bar, tabac, Française des Jeunes et un journal en vente, La Montagne.Le Garibaldi aurait tout du troquet traditionnel si le jeune patron n’avait ajouté à la carte « tout ce qu’on peut retrouver dans un bar ambiance », des cocktails, gin tonic, cosmo, mojito… « Je savais qu’en reprenant un établissement centenaire à cet emplacement, je ne me trompais pas, mais je voulais insuffler une âme. »
L’âme du Garibaldi se dessine dans la mousse de sa pression. Un brasseur belge, Haacht (3 € le demi de blonde). Elle prend les couleurs de son Gewurztraminer (3 € aussi). Et celles des rhums arrangés, préparés par Jérémy qui a vécu plusieurs années en Guadeloupe (5 €).
Son âme a l’odeur du café, un Arabica italien de très bon goût pour son prix, 1.50 € : « Je préfère perdre 10 centimes de marge et proposer de la qualité. »
Le Café rétro, un carrefour de la convivialité à Moulins
Avec une clé de sol tatouée sous le coude gauche, Jérémy Guyot insinue qu’il aime la musique. Bingo. Il joue du piano. « J’aimerais installer un piano droit et ouvrir une scène ouverte, mais je ne sais pas quand. Démarrer une activité prend du temps. » En attendant, la musique tourne en boucle dans les enceintes.
La majorité de sa clientèle a moins de 35 ans : « de 16 à 21 heures, je suis plein, notamment le dimanche. Pour être patron, il faut être multitâches, de comptable à homme de ménage. Avec les clients, il faut être bon et ferme. Pour ma part, je veux être le plus neutre possible. Pas de politique, ici. Parfois, des clients m’insultent, c’est violent, mais j’ai un caractère qui ne s’énerve pas. »
Stéphanie Ména
Histoire
L’établissement, centenaire, s’appelait Le Café de l’Europe jusqu’à ce que le couple Robert, qui reprit les rênes en 1999, le baptise du même nom que la place adjacente, la place Garibaldi.
Cette photo d’archives, de la maison Jaunard, montre sa devanture et, sur la gauche, la statue qui formait le rond-point jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Elle a été enlevée par l’armée allemande pour faciliter le passage des véhicules ; la ligne de démarcation avec la zone libre était quelques mètres plus bas.