"Ma mère est victime d'une escroquerie sentimentale" : plus de 80.000 euros envoyés dans le Cher
C’est un appel à l’aide qui vient du cœur, celui d’une fille et d’un fils pour leur mère. En avril 2023, un certain Robert, « architecte âgé de 72 ans », entre en contact, via Facebook, avec une veuve âgée de 81 ans, qui vit dans une commune au nord de Bourges. Le message est destiné à faire pleurer dans les chaumières tout en générant l’attirance, animé par « la franchise ».
Un an plus tard, sans jamais l’avoir rencontré physiquement une seule fois, l’octogénaire espère toujours qu’ils finiront leur vie ensemble.
Nombreux retraits d'argentEn mars 2024, alors auditionnée dans le cadre d’une enquête préliminaire de la gendarmerie du Cher, après une plainte déposée par sa fille, l’octogénaire reconnaît avoir envoyé 42.000 euros à ce Robert de son plein gré, sans qu’il ait demandé quoi que ce soit, dit-elle aux gendarmes, pour l’aider à régler « deux ou trois successions ». L’homme en question serait né au Canada, aurait eu une entreprise à Bourges et a dû filer en Autriche pour des démarches liées à l’héritage de ses parents décédés. Un romancier n’aurait pas mieux fait.
La fille de l’octogénaire, qui a perdu contact avec sa mère depuis cette affaire, estime au double ce montant de 42.000 euros envoyé via un site spécialisé. Les relevés bancaires font état de retraits fréquents de 500, 1.000, 1.500, 2.000 euros, voire 7.000 euros en septembre dernier. Entre juin et septembre 2023, le livret A a été ponctionné de plus de 16.000 euros. Selon sa fille, elle aurait même contracté des emprunts auprès de ses amies pour la somme de 15.000 euros.
« Ma mère est aujourd’hui complètement isolée et dans un déni total. Elle a fait changer toutes les serrures de sa maison et stoppé toutes les procurations que nous avions sur ses comptes », s’inquiète sa fille. Fatiguée, à bout, elle ne voit aucune solution à l’heure actuelle pour mettre fin à ce qu’elle considère comme « une emprise » et « une escroquerie sentimentale ».
Aucune "pathologie psychiatrique"En février 2024, la fille de l’octogénaire tente une mise sous protection judiciaire. Aujourd’hui, aucune mesure de tutelle et de curatelle n’a été décidée. Selon un expert psychiatre missionné dans le cadre de la demande de tutelle, sa mère ne présente aucune « pathologie psychiatrique, ni de pathologie à l’origine d’une détérioration des fonctions cognitives. Elle ne présentait pas de trouble du jugement ou de discernement induit par une maladie psychiatrique ou neuropsychiatrique. »
Mais la lecture de son procès-verbal d’audition soulève des interrogations, quand elle raconte les excuses rocambolesques de ce supposé architecte septuagénaire qui, à chaque promesse de rendez-vous, le décline et le repousse.
En juin 2023, il devait rencontrer l’octogénaire mais, raconte-t-elle, « il a été arrêté par des policiers autrichiens puisqu’il détenait un tableau qu’il venait d’acheter et qui malheureusement avait été volé. » L’octogénaire ajoute que « le juge d’Autriche l’a gracié » en lui faisant payer une caution de 25.000 euros au lieu de 100.000, pour qu’il sorte de prison.
Prévenir d'autres victimesTrois semaines plus tard, alors qu‘il devait encore venir dans le Cher, celle qui l’attend de pied ferme explique aux gendarmes que « les douanes lui ont indiqué qu’il était poursuivi en France pour un vol d’argent à une femme. À ce jour, il est en cellule ». Plus fort : « Il a conservé son téléphone » en prison, « selon les recommandations de son avocat », ce qui lui permet de rester en contact avec l’octogénaire.
« Elle a de toute façon réponse à tout », témoigne sa fille qui s’est usée la santé à la mettre en garde, à lui montrer que l’architecte en question n’existait pas, qu’il avait plusieurs comptes sur les réseaux sociaux. « Ma mère a des soucis de santé et nous craignons qu’à force de s’endetter, sa maison ne lui soit saisie. »
En tirant la sonnette d’alarme, les enfants espèrent attirer l’attention d’autres personnes qui pourraient être victimes de ce genre d’escroquerie contre laquelle ils se retrouvent particulièrement démunis.
Rémy Beurion
