Crise en Nouvelle-Calédonie : "Macron et Darmanin ont joué le pourrissement, ils portent une responsabilité énorme"
Florent Tillon est né en Nouvelle-Calédonie en 1976 et a passé les treize premières années de sa vie sur le Caillou. Il a depuis longtemps choisi son camp : celui des indépendantistes.
Ce journaliste aujourd’hui installé en Corrèze ne perd rien de l’évolution de la situation sur place. Et si les scènes de violence qui secouent l’archipel l’« attristent, forcément », elles ne l’ont pas franchement surpris.
« Je rejoins le haut-commissaire du gouvernement pour dire que les jeunes en première ligne de la révolte sont à la fois des militants et des délinquants, affirme-t-il. Mais il faut bien comprendre que tout cela est alimenté par une frustration et une colère très profondes, qui servent de catalyseur puissant. Les Kanaks restent cantonnés dans la misère, ils n’en peuvent plus de ne pas être entendus, et même méprisés par l’État français. La rage qui s’exprime aujourd’hui vient de là. »
Florent Tillon était retourné en Nouvelle-Calédonie en 2018, au moment du premier des trois référendums sur l’indépendance organisés sous la présidence d’Emmanuel Macron. Il en a tiré un documentaire « engagé », intitulé Nation.s (*). « Les autochtones rencontrés là-bas veulent très clairement retrouver leur liberté. Leur choix doit primer, d’autant que je suis persuadé qu’ils sauront prendre leur destin en main et être de bons gouvernants, partisans d’un système beaucoup plus égalitaire, avec une forte dimension sociale. L’exemple du Vanuatu, qui s’est défait de l’emprise française en 1980 et a su trouver un équilibre entre démocratie à l’occidentale et coutumes, prouve que c’est possible. »
L'ONU comme interlocuteur et médiateur ?Pour sortir de l’impasse actuelle, qu’il attribue largement au chef de l’État et à son ministre de l’Intérieur – « Macron et Darmanin ont joué le pourrissement, ils portent une responsabilité énorme » –, Florent Tillon en appelle à l’ONU, qui a inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des « territoires non autonomes » depuis 1986.
« Les Nations Unies doivent être le nouvel interlocuteur des différentes parties, estime le journaliste. Les appels de l’institution ont jusque-là été ignorés par la France, mais ça ne peut plus durer. La priorité, aujourd’hui, ce n’est pas la modification du corps électoral (comme le prévoit la réforme défendue par le gouvernement, qui a mis le feu aux poudres, NDLR), mais de répondre à cette question : comment peut-on enfin décoloniser ce pays ? »
Stéphane Barnoin
(*) En accès gratuit sur la plateforme Vimeo.