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Май
2024

Bardella : il y a erreur sur la marchandise ! Par Jean-François Copé

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Après avoir renommé le FN en RN, après avoir remisé en arrière-boutique les éléments encombrants de son passé, en premier lieu son père, Marine Le Pen poursuit la transformation de la petite entreprise familiale. C’est au tour de la vitrine d’être totalement repensée. Une place toute trouvée pour Jordan Bardella.

Celui qui est depuis deux ans le président du parti y fait désormais office de produit d’appel avec un objectif : rendre l’extrême droite sympathique et tendance. Plus qu’à l’élaboration de propositions, la campagne des européennes semble entièrement dédiée au déploiement de cette nouvelle stratégie de communication pour mieux "préparer l’alternance".

Depuis des semaines, le produit Bardella caracole en tête des sondages. Il faut dire que "Jordan" est poli, jeune, smart. Il maîtrise toutes les ficelles des médias traditionnels, où il ressasse à l’envi un storytelling d’autodidacte plus axé sur la situation, modeste, de sa mère en Seine-Saint-Denis que sur celle de son père, chef d’entreprise dans le Val-d’Oise. Mais c’est surtout sur les réseaux sociaux que le produit Bardella se vend le mieux.

Un mandat marqué par l'incohérence

A coups de selfies, de clips et de compilation de ses "punchlines", il progresse dans les sondages. Un format court, particulièrement adapté pour des propositions qui se résument à des slogans simplistes et pour une promesse de campagne loin des enjeux européens : transformer le scrutin du 9 juin en bilan de mi-mandat d’Emmanuel Macron.

La nouvelle vitrine du RN fait en réalité office de cache-misère. Derrière le 1,2 million d’abonnés TikTok de Jordan Bardella et ses 482 000 "followers" sur Instagram se cachent les chiffres, moins glorieux, de son bilan : 70 % d’absentéisme dans sa commission, pas plus de 21 amendements déposés et aucun rapport rédigé. Un mandat marqué par l’inaction, mais aussi par l’incohérence.

Si dans ses discours le chef de file de la liste RN veut mettre fin à l’"immigration massive", il s’est opposé durant celui-ci au renforcement des effectifs de Frontex. Les prix planchers agricoles ? "Des trappes à pauvreté", selon Jordan Bardella. La mesure avait pourtant été défendue lors des deux dernières campagnes présidentielles par son parti… On comprend mieux pourquoi le candidat préfère les smartphones de ses sympathisants aux débats qui pourraient le mettre face à ses contradictions.

On lui épargne toutes les confrontations

Des contradictions qui portent non seulement sur des dossiers de fond, mais aussi sur la personnalité même de Jordan Bardella. Vue de plus près, la vitrine prend davantage la forme d’un trompe-l’œil et d’une publicité mensongère. Son amitié douteuse avec l’ex-président du GUD Frédéric Chatillon, les accusations de déclarations racistes et homophobes qu’il aurait tenues sur un compte Twitter anonyme ou encore ses doutes sur le bien-fondé des accusations d’antisémitisme envers Jean-Marie Le Pen écornent quelque peu l’image du gendre idéal.

Malgré tout, le candidat du RN prend le large. Environ 16 points d’avance sur ses concurrents, un écart qui ne risque pas d’être remis en question tant on lui épargne toutes les confrontations. Comment préserver la sécurité des Européens face aux bouleversements géopolitiques actuels ? Comment compte-t-il convaincre les 27 Etats de réviser les textes qui régissent le fonctionnement de l’Union ? Que pense-t-il des accusations d’espionnage prochinois qui visent l’AfD, allié du RN à Strasbourg ?

Pourquoi a-t-il voté pour un amendement qui rend facultative une "aide redistributive complémentaire au revenu" des agriculteurs et contre un autre qui oblige les Etats membres à fixer des marges maximales pour tous leurs intermédiaires ? Des questions passées sous silence aussi bien par les médias que par ses concurrents. Renaissance est empêtrée dans un "en même temps" et un discours trop technocratique. Côté LR, on refuse de se risquer à des idées nouvelles en pensant enjamber le scrutin du 9 juin. A cinq semaines du vote, il est temps que la droite de gouvernement se réveille. Puisse le débat programmé avec Gabriel Attal donner le coup d’envoi d’un sursaut vraiment très attendu en faveur de l’Europe.

Jean-François Copé, ancien ministre, maire (LR) de Meaux.