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Май
2024

La sylviculture se professionnalise dans l'Allier

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Pour un propriétaire forestier, le "bois énergie" n’est pas la première des priorités. Car seules les parties les « moins valorisables » des arbres finissent en granulés ou en bûches dans nos chaudières et cheminées : les houppiers, taillis et autres branches tordues, que l’on retrouve souvent en lisière de forêt et qui sont vendus à des prix forcément moins élevés que le "beau bois", de qualité, qui se transformera en charpentes ou tonneaux.

"La filière bois énergie est sous-exploitée à l’heure actuelle"

Toutefois, "la filière est sous-exploitée à l’heure actuelle puisque, dans l’Allier, on ne produit qu’un tiers des 30.000 tonnes de bois de chauffage potentielles tous les ans", estime Jean-Jacques Miyx, président de Fransylva 03, le syndicat des propriétaires forestiers du département.

Or, d’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), "la filière bois énergie et l’entretien des forêts sont nécessaires à l’atteinte des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. Ils remplacent pour partie les autres ressources fossiles qui sont plus émettrices de gaz à effet de serre".

De plus, l’Europe s’est fixé l’objectif d’atteindre 42,5 % d’énergie renouvelable consommée en 2030 (21 % en 2022). Et le bois, que l’Ademe considère comme une énergie renouvelable, notamment pour sa capacité à stocker du carbone (en poussant et en restant dans les matériaux produits), peut aider à remplir cet objectif.

Un quart des Français se chauffent déjà avec cette ressource qui présente aussi l’avantage d’être bon marché : "Pour mon logement, même si je payais mon bois de chauffage, ça me coûterait trois fois plus avec du fioul", illustre le président de Fransylva 03.

Son syndicat, qui représente 700 propriétaires privés, se donne pour mission, en plus de défendre les intérêts de ses membres, de "professionnaliser la sylviculture". Il est fini le temps où l’on achetait des forêts, ou qu’on en héritait, sans se préoccuper de son état. Aujourd’hui, "on est de plus en plus sensibilisé", assure Jean-Jacques Miyx.

Agriculteurs comme les autres, les forestiers entretiennent leurs parcelles "sans faire n’importe quoi". Ils doivent répondre à des obligations fixées dans des plans de gestion, comme celle de conserver un certain capital, qui donne notamment lieu à des avantages fiscaux. Résultat, contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de déforestation en France. Quand bien même la production de bois énergie a augmenté de 200 % depuis 2008, la couverture forestière augmente toujours de 0,7 % par an et la forêt couvre aujourd’hui 31 % du territoire (17 % dans l’Allier).

Pour accomplir sa mission de professionnaliser la sylviculture dans un contexte de dérèglement climatique, Fransylva 03 organise régulièrement des événements, comme des stages pratiques et théoriques avec ses adhérents. Fin mars, une trentaine d’entre eux se sont retrouvés à Chevagnes, sur une parcelle de l’un des membres, où des chênes rouges ont été plantés il y a deux ans. Les jeunes pousses, asséchées, ont l’air mal en point et sont en plus cernées de genêts. L’assemblée a profité des lumières d’un ingénieur forestier du Centre régional de la propriété forestière (établissement public sous tutelle du ministère de l’Agriculture), Jean-Baptiste Reboul. "Il ne faut pas être impatient, certaines pousses peuvent survivre", affirme-t-il.Jean-Baptiste Reboul, ingénieur forestier du Centre régional de la propriété forestière. Photo Corentin Garault

S’adapter au réchauffement climatique

Le changement climatique, personne ne le conteste parmi les membres de Fransylva. Chacun constate les sécheresses à répétition, leurs impacts sur les arbres, plus sensibles aux parasites.

Mais pour continuer à produire du bois, il faut s’adapter à ce dérèglement. La "migration assistée" est devenue commune et même conseillée au fil des années. Ainsi, sur ses parcelles de résineux, sur lesquelles le réchauffement a particulièrement des effets néfastes, Jean-Jacques Miyx plante des sapins de Turquie, qui "savent réagir au stress hydrique". Sur d’autres parcelles, il enrichit avec d’autres espèces qui prospèrent normalement sous des latitudes parfois bien plus basses. Des pins maritimes par exemple, ou encore des cèdres de l’Atlas, originaires du Maroc.Visite d'une parcelle de l'Allier avec le Centre national de la propriété forestière. Photo Corentin Garault

Néanmoins, la "migration assistée" ne peut être l’unique solution. Et le recul manque quant au réchauffement climatique. "On attend de voir comment vont prospérer les individus issus de la canicule de 2003." Cette année-là, comme à chaque sécheresse, « les glandées ont été exceptionnelles », comme si la nature, "se sentant en danger", multipliait les descendants pour multiplier ses chances d’adaptation. "Parfois, il faut faire confiance à la nature."

Emeric Enaud