Présidentielle au Tchad: l'UE déplore la mise à l'écart d'observateurs
Ces dernières avaient déjà émis des doutes sur sa "crédibilité" et la transparence d'une élection qu'elles jugeaient, au diapason de l'opposition, jouées d'avance en faveur du général Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé chef de l'Etat par l'armée il y a trois ans, à la mort de son président de père.
La présidentielle, censée mettre fin à trois ans de pouvoir militaire, le mettait face notamment, dans un duel inédit, à un ex-opposant, Succès Masra, rallié à la junte et nommé Premier ministre par le général le 1er janvier.
Dimanche, quatre organisations de la société civile tchadienne, dont la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), s'étaient insurgées contre le refus de la commission électorale de délivrer des accréditations à 2.900 de leurs membres pour "l'observation du scrutin", malgré des demandes soumises "dans les délais requis".
-"Transparence"-
"L'UE au Tchad déplore la non-accréditation de ces organisations de la société civile". "Ce faisant", la commission électorale, dont les membres ont été nommés par M. Déby, "a empêché leur contribution à la transparence du processus électoral, financé à hauteur de 3,8 millions d'euros, avec des fonds européens", a regretté l'UE au Tchad sur sa page Facebook.
Nous avons "soutenu une observation citoyenne tchadienne par des fonds de l'UE", a indiqué à l'AFP Sona Jarosova, cheffe de la mission politique de l'UE au Tchad.
Mardi, au lendemain du scrutin, les états-majors des candidats, qui ont veillé toute la nuit pour suivre le dépouillement à N'Djamena, n'étaient pas disponibles ou se refusaient à tout commentaire sur le scrutin. De même que les responsables de ce qui reste de l'opposition, au pays ou en exil forcé, qui ne souhaitaient pas parler pour l'heure.
Des militants et partisans des deux camps ont expliqué que la longue nuit dans les bureaux de vote et la vague de chaleur exceptionnellement étouffante qui affecte le Tchad comme une bonne partie de l'Afrique les forçaient à rester chez eux jusqu'au soir.
violente répression
L'opposition, réprimée, parfois dans le sang, depuis trois ans, et dont les candidats les plus dangereux pour M. Déby ont été écartés de la course, avait appelé à boycotter un scrutin destiné, selon elle, à "perpétuer une dynastie Déby" de 34 ans.
Elle considère M. Masra comme un "traître" dont la candidature ne visait qu'à donner un "vernis démocratique" au scrutin. Mais ce dernier a drainé des foules considérables durant sa campagne, au point désormais de revendiquer la victoire.
Vendredi, la Fédération Internationale pour les droits humains (FIDH) s'était inquiétée d'une "élection qui ne semble ni crédible, ni libre, ni démocratique", "dans un contexte délétère marqué par (...) la multiplication des violations des droits humains".
L'ONG International Crisis Group (ICG) avait également émis des "doutes sur la crédibilité du scrutin" après l'éviction des candidats d'une "opposition politique muselée".
Les résultats officiels sont prévus le 21 mai et un éventuel second tour le 22 juin.
Le général Déby a salué mardi "un tournant en matière d'enracinement de la culture démocratique au Tchad".
-"Pas de travail, pas de nourriture"-
Son Premier ministre Masra souhaitait, sur Facebook, "que les dépouillements se poursuivent dans le calme et la sérénité".
"Je suis resté à la maison. Je n'ai ni voté ni pour Mahamat (Déby), ni pour Succès Masra", ni aucun des huit autres candidats, assène, désabusé, Mohamed Dembélé, pilote de moto-taxi, au marché central de N'Djamena.
"Je suis diplômé mais il n'y a pas de travail, les gens sont fatigués. Nous avons besoin de manger, même la nourriture de base, il n'y en a pas", lâche cet homme de 34 ans.
Le Tchad, vaste état semi-désertique du Sahel dont l'économie dépend fortement d'une modeste production pétrolière, est le quatrième pays le moins développé au monde, selon l'ONU.