Pourquoi l'hôpital de Guéret n'a pas obtenu de certification, malgré ses 87 % de critères satisfaits ?
Dans son dernier rapport, mis en ligne ce lundi 6 mai, la Haute Autorité de Santé (HAS) décide de la non-certification du centre hospitalier de Guéret, et le place au niveau le plus bas, "qualité de soins insuffisante". L’établissement bénéficiait d’une certification sous conditions depuis octobre 2022.Dans ce rapport détaillé, la HAS revient sur les conditions d’accueil et de prise en charge du patient, l’équipe de soin, et l’établissement en général. Il rappelle ainsi tout ce que l’hôpital de Guéret fait correctement, et les points où il pèche.Il répond d’ailleurs de manière satisfaisante à 87 % des critères. Concernant la prise en charge du patient, le centre hospitalier satisfait à 91 % des critères.
Que reproche-t-on à l’hôpital de Guéret ?L’évaluation se base sur des points impératifs, et d’autres complémentaires. Il suffit d’un manquement dans les critères impératifs pour que la certification soit rejetée. Comme, dans le cas de l’hôpital de Guéret, la prise en charge des mineurs aux urgences, qui selon les experts de la HAS ne garantit pas un environnement et un équipement adapté à la pédiatrie. Ou la liste des médicaments à risques, affichée par pôle quand elle devrait l’être par service, et leur stockage à sécuriser.
La Haute Autorité de Santé recommande aussi de regrouper dans un chariot dédié les équipements et dispositifs nécessaires à la prise en charge des complications de l’accouchement, et de pérenniser le renforcement du temps anesthésiste au bloc opératoire. Elle propose également de constituer un comité éthique intra-hospitalier, de renforcer l’appropriation de la démarche qualité par les professionnels, et d’associer davantage les proches et aidants dans la mise en œuvre du projet de soins du patient.
« Jamais la sécurité des patients n’est mise en cause »
rappelle Marie-Françoise Fournier, maire de Guéret et présidente du conseil de surveillance de l’hôpital. « Il y a des axes à améliorer, et on a déjà engagé des démarches », précise-t-elle.En effet, un troisième anesthésiste a été recruté : « On en avait deux, et on nous a alertés qu’ils n’étaient pas toujours disponibles. On a eu énormément de chance en trouvant un troisième », explique le Dr Dominique Devesa-Mansour, présidente de la commission médicale d’établissement. La direction de l’hôpital ne cache pas les difficultés qu’elle rencontre pour recruter. « On a les moyens, mais on ne trouve pas… »
Des critères qui ont évoluéElle souligne aussi le changement des critères depuis la dernière certification. « Le manuel a changé… Avant, on ne nous avait rien dit sur l’accueil des mineurs aux urgences. Si on nous l’avait signalé, on aurait travaillé dessus. Même chose pour la liste des médicaments qui doit désormais être affichée par service, et non pas par pôle. Tout ça, ça ne remet pas en cause la sécurité des patients. Ce sont des mesures qui peuvent être prises immédiatement. » L’établissement est épaulé par l’Agence régionale de santé, qui mettra à disposition des soutiens méthodologiques.
D’ailleurs, l’équipe de l’hôpital ne compte pas attendre dix-huit mois, comme proposé par la HAS, pour répondre aux différents axes de travail. « On va essayer d’avoir un délai plus court avant la prochaine visite. Nous sommes très optimistes », ajoute Marie-Françoise Fournier.De son côté, Fatiha Zidane, directrice de l’hôpital de Guéret, rappelle que l’établissement garde bien toutes ses autorisations, toute son offre de soin, et qu’à aucun moment, la non-certification implique la fermeture d’un service ou un danger pour le centre hospitalier. Elle continue :
« J’ai toute confiance en mes équipes pour réagir. Nous allons travailler et lancer une nouvelle dynamique. Le personnel tient à son hôpital, et l’important sera toujours la sécurité des patients »
L’investissement du personnel, Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse, a pu la constater lors du conseil de surveillance extraordinaire organisé hier : « J’ai senti beaucoup d’énergie et de détermination de leur part. On refuse toute forme de dramatisation. La formule administrative, “non-certification”, n’est pas heureuse ni appropriée. Elle effraie la population, elle dramatise une situation qui n’a pas à l’être. Il s’agit juste d’observations de la Haute Autorité de Santé. »Catherine Couturier, députée de la Creuse, craint, elle, pour l’image de l’établissement guérétois : « On est sur un territoire rural, et cet hôpital est un point essentiel de la santé en Creuse. Ce que je crains par cette non-certification, alors que les pourcentages de satisfaction sont très bons dans le rapport, c’est que ça donne une mauvaise image de l’établissement. Si on perd de la patientèle, alors la fréquentation va s’affaiblir… et c’est un cercle infernal. »
Elle ajoute : « N’y a-t-il pas une décision politique cachée ? Je le dis. Je suis attachée à l’indépendance de la HAS. Mais nuire à l’image de l’hôpital public, ça peut pousser vers le privé… »De son côté, Anne Frackowiak-Jacobs, préfète de la Creuse, tient à souligner « toute sa confiance envers la direction de l’hôpital et les équipes pour répondre aux prescriptions de la Haute Autorité de Santé, d’autant que plusieurs d’entre elles ont déjà été mises en œuvre. Cette non-certification ne met pas en cause la sécurité des patients, ni la pérennisation de l’offre de soins du CH de Guéret. »
« On sait qu’on sera certifié »Le Dr Dominique Devesa-Mansour préfère voir devant elle. Et reste profondément optimiste : « L’hôpital a de grands projets à ne pas sous-estimer : l’installation d’un deuxième scanner, la restructuration des urgences… On sait qu’on sera certifié, mais à quel prix : il va falli remobiliser tout le monde. C’est vrai, c’est une déception pour l’ensemble du personnel qui s’est investi dans cette certification, mais tout le monde a envie de mieux faire. »