ru24.pro
World News
Май
2024

E-Coli, salmonelle, listéria : tout savoir sur ces bactéries qui s'invitent dans nos assiettes

0

Ousmane Traoré, responsable du service hygiène du CHU de Clermont-Ferrand, connaît les bactéries intestinales par cœur. Loin de céder à la psychose, le spécialiste nous en rappelle les symptômes et les bons réflexes à avoir pour prévenir la maladie.

E. coli (Escherichia coli), listeria et salmonelle, de quoi parle-t-on au juste ?

Ce sont des bactéries standards. Ce sont des petits organismes qui font 1 micron (1/1000e de millimètre). On en a des milliards dans notre tube digestif. Quand on parle de E. coli, il faut savoir que l’on en a des milliards par gramme de selles. Mais c’est un type de E. coli qui donne des intoxications alimentaires. On les appelle des E. coli entérohémorragiques (ECEH). À titre d’exemple, la fameuse “tourista” du voyageur, ce sont des E. coli d’un autre type. C’est la même chose pour la listeria. On en a dans l’environnement, dans le sol, dans le tube digestif des animaux. La salmonelle habite aussi dans le tube digestif des hommes et des animaux. On la retrouve aussi dans l’eau souillée.

Comment s’attrapent ces maladies ?

La voie commune est la voie digestive. Soit en mangeant des aliments ou en buvant de l’eau contaminée, soit par le biais de mains sales. La transmission manuportée est exactement la même que dans les cas de gastro-entérites virales de l’hiver.

Quels sont les aliments à risque ?

Les fromages au lait cru, les poissons fumés, les coquillages crus, les graines germées crues, les steaks hachés crus. Les œufs sont considérés à risque pour les salmonelles. Il ne faut surtout pas les laver pour les stocker car cela fragilise la coquille et facilite la pénétration de la salmonelle dans l’œuf.

Quels sont les symptômes ?

Des troubles digestifs. Dans le cas de la listeria et de l’E. coli, l’infection peut se généraliser en passant dans le sang. La listéria peut provoquer des septicémies mais aussi des atteintes neurologiques. Elle aime se loger au niveau des méninges. Dans le cas de l’E. coli, elle peut infecter le sang et attaquer les reins.

Quand doit-on alerter ?

Ce n’est pas simple de faire un diagnostic car les symptômes sont banals. Pour la salmonelle, les signes digestifs peuvent se traduire par des diarrhées et des vomissements avec parfois un peu de fièvre. Pour la listeria et l’E. coli, la fièvre n’est pas forcément perceptible.

Quels sont les remèdes ?

Dans le cas de la listeria, on donne des antibiotiques. C’est un traitement puissant et prolongé. Si des complications surviennent, on passe à un traitement symptomatique. Pour la salmonelle, les antibiotiques ne sont pas systématiques. On réhydrate beaucoup en première intention. L’E. coli est plus compliqué. On les traite quand elles sont gravissimes. Les traitements sont souvent lourds avec des transfusions si anémie, ou des dialyses dès lors que les reins sont touchés.

Comment sont-elles détectées par les médecins ?

Pour la listeria, on procède à une analyse de selles, puis de sang si elle se généralise. La ponction lombaire peut aussi être pratiquée. La salmonelle se trouve également lors des examens des selles ou du sang. Le diagnostic de l’E. coli est plus compliqué car elle existe déjà dans les selles. On va donc chercher la souche entérohémorragique. Il faut savoir que le danger de l’E. coli entérohémorragique provient d’une toxine qu’elle produit. C’est cette toxine que l’on va chercher. C’est elle qui peut pénétrer dans le sang et attaquer les reins.

Quels sont vos conseils de prévention ?

L’hygiène alimentaire est primordiale. On s’assure que son frigo est bien lavé (une fois par semaine) et fonctionne bien avec une température maximale de 4 degrés. On est scrupuleux sur les dates limite de consommations. On sépare les aliments crus et cuits. On lave les légumes. Il faut savoir que la cuisson élimine ces bactéries.

Si la cuisson tue ces bactéries comment expliquer le scandale des pizzas Buitoni ?

Le piège, c’est de ne pas assez cuire. Il faut bien respecter la durée inscrite sur les emballages et la température. C’est comme avec les moules, les gens pensent qu’en les trempant quelques secondes dans l’eau chaude, cela suffit à tuer les bactéries et virus. On est faussement rassuré.

Oui, clairement. La femme enceinte est très sujette à la listeria, à la salmonelle et à l’E. coli. Elles peuvent provoquer des avortements ou des malformations gravissimes. Si on est une femme enceinte et que l’on a des symptômes, il faut intervenir vite mais cela se soigne dans l’immense majorité des cas. Les enfants de moins de 10 ans, les immunodéprimés et les personnes âgées sont vulnérables face à E. coli et à la salmonelle.

Est-ce que l’on s’immunise une fois que l’on a été malade ?

Non, ce ne sont pas des pathologies immunisantes.

Pourquoi y a-t-il autant de produits contaminés et rappelés par les autorités ?

On les cherche de mieux en mieux. Les contrôles sanitaires sont très orientés sur la salmonelle et la listeria, via la réglementation européenne. Il faut savoir que si la salmonelle est dans le top 3 des bactéries responsables d’intoxication alimentaire, le staphylocoque doré et le bacillus cereus donnent des crampes abdominales et des vomissements mais ils sont moins recherchés dans les aliments et moins faciles à identifier. L’E. coli et la listeria sont très recherchés par les industriels et les collectivités car on a des cas très graves (10 % pour l’E. coli), voire mortels.

Autrement dit, il y a des énormes trous dans la raquette ?

Disons qu’il y a 75 % des cas où l’on n’identifie pas la cause de l’intoxication alimentaire. On ne trouve que ce que l’on cherche bien.

Bactérie E.coli : onze enfants contaminés en fin d'année 2023, dont cinq dans une même crèche

Toutes les contaminations ne sont pas forcément graves ?

Pas de psychose donc. Non, 99 % des gens qui ont mangé un aliment rappelé n’auront rien du tout. S’il y a beaucoup de rappels, c’est qu’il y a beaucoup de contrôles. Et c’est tant mieux ! 

Carole Eon