"On est en danger" : le spectacle vivant menacé par la baisse des subventions publiques
C’est un coup de théâtre auquel le Footsbarn travelling theatre n’était pas préparé. Un coup qui pourrait devenir le coup de grâce pour la compagnie, tant elle se sent menacée aujourd’hui. "On est en danger", confie Fredericka Hayter, qui a installé le chapiteau du Footsbarn, avec son mari Paddy, dans une ancienne ferme du village de Haut-Bocage, la Chaussée, dans l’Allier, en 1990.
"Nous touchions une aide de fonctionnement de la part de la Région. Mais cette aide, qui était de 45.000 euros, a été complètement coupée cette année." La collectivité continue à aider à hauteur de 15.000 euros par an la structure. pour la gestion de ses locaux. "La compagnie est également accompagnée pour l’organisation de son festival", indique-t-elle. Rappelant que la précédente subvention "exceptionnelle" de 45.000 euros mise en place dans le cadre d’une convention 2018-2021 avait été décidée pour permettre de faire face à une dette importante.
Un coup dur pour la compagnieReste que les artistes sont encore sonnés. Dans l’incompréhension. La compagnie assure ne plus compter que sur un peu plus de 50.000 euros de subventions publiques pour faire face aux charges de la Chaussée, de 15.000 euros de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) et de 16.000 euros d’aide à la création venant du Département de l’Allier, la "seule aide perçue pour la création artistique".
"Heureusement que nous avons cela mais notre nouveau spectacle nous a coûté le double de cette aide à la création", compte Fredericka Hayter, qui constate : "On a longtemps connu une période formidable. Nous avions, par exemple, une aide de 120.000 euros de la Drac (l’État, NDLR.) au début des années 1990. Celle-ci n’est plus que de 15.000 euros aujourd’hui."
"Depuis les années 2000, il y a eu de grandes coupes. On appelait la France l’exception culturelle… Ce n’est plus le cas désormais."
Car face à la perte de ces subventions, indispensables pour beaucoup de structures, le monde de la culture souffre et les plus petites compagnies sont les plus impactées. "On a l’impression qu’il faut faire autant avec dix fois moins d’argent. On s’épuise. On nous dit d’aller à la rencontre du public, mais on ne nous donne plus les moyens de le faire."
D’autant plus dans un contexte où la billetterie ne peut plus couvrir toutes les dépenses et où les spectacles se vendent moins bien. "J’ai retrouvé un vieux contrat : on avait vendu une pièce à 9.000 euros. Là, on est content si on touche 3.000 euros", rapporte Fredericka Hayter.
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De nombreux spectacles, qui ont tourné dans le monde entier, ont vu le jour à La Chaussée. Photo : Florian Salesse
Réduction de l'équipe et des salairesLa période est donc critique pour le Footsbarn qui avait pourtant déjà connu, en 2011, une importante crise financière. "On s’en est sorti, mais là…" La compagnie, qui a déjà dû réduire son équipe et baisser les salaires, pourra-t-elle faire face à ces nouvelles difficultés ?
"Ce sera peut-être l’ultime crise qui nous obligera, parce qu’on ne pourra plus payer les factures, à vendre la Chaussée."
Un lieu qui a vu la création de plus d’une vingtaine de spectacles du Footsbarn, notamment des adaptations de grands classiques du théâtre (Shakespeare, Molière ou encore Beckett) qui ont tourné dans le monde entier. Sans compter les créations d’artistes accueillis en résidence.
"Les compagnies, les artistes, les jeunes en profitent. L’année dernière, nous avons accueilli trois compagnies en résidence. C’est un lieu exceptionnel ici, avec un studio, des ateliers de construction de décors et d’accessoires. On peut également loger trente personnes. Les artistes peuvent bénéficier d’une véritable bulle créative." Une bulle plus que jamais fragile.
"Le théâtre est une très belle façon de perdre de l’argent, il faut l’aider. De notre côté, on ne va pas se laisser abattre, nous allons continuer de faire les choses du mieux possible."
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Texte : Laura Morel
Photos : Florian Salesse