Columbia, Harvard, UCLA... Comment la question palestinienne a envahi les campus américains
Harvard, Yale ou encore Columbia. Depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre dernier et la réponse militaire d’Israël qui s’est ensuivie, les campus américains sont la cible de violents blocus et manifestations en soutien à la Palestine. Mardi 30 avril dans la nuit, l’université Columbia, épicentre de la mobilisation, a même été évacuée par des centaines de policiers de New York, pour déloger des militants pro-palestiniens qui se barricadaient dans un bâtiment. Et ce mercredi 1er mai, des affrontements ont éclaté sur le campus de l’Université UCLA, à Los Angeles. L’Express fait le point sur ce gigantesque mouvement qui secoue les universités américaines.
Quelle est l’origine du mouvement ?
Tout a commencé le 8 octobre, au lendemain du massacre du Hamas. Une trentaine de groupes et clubs étudiants de la prestigieuse université américaine de Harvard, près de Boston, cosignent et diffusent sur le campus une lettre dénonçant "le régime d’apartheid d’Israël", "responsable de toutes les violences" qui façonnent "tous les aspects de la vie palestinienne depuis soixante-quinze ans". Dans la foulée, des "camps" pro-palestiniens se forment dans des dizaines de campus, et des élèves de confession juive témoignent de leur malaise. Le 5 décembre, lors d’une audition parlementaire sur la lutte contre l’antisémitisme dans les universités américaines, Claudine Gay, la présidente de Harvard, et ses homologues de l’université de Pennsylvanie et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), sont convoquées pour savoir les mesures qu’elles ont mises en oeuvre pour assurer la sécurité des étudiants. Interrogées par l’élue trumpiste Elise Stefanik, qui leur demande si l’appel au génocide des juifs violait le règlement intérieur de leur université, ces dernières répondent que cela "dépendait du contexte", provoquant un vaste tollé puis leur démission.
Le 17 avril dernier, la présidente de l’université de Columbia, Nemat Shafik, est à son tour auditionnée. Face à cette commission dominée par les républicains, la présidente assure qu’un professeur, Mohamed Abdou, qui a exprimé son soutien au Hamas, au Hezbollah et au Djihad islamique après le 7 octobre 2023, "ne travaillera plus jamais à Columbia" et discute de procédures disciplinaires concernant une quinzaine d’étudiants. Cette annonce provoque la colère du mouvement pro-palestinen du campus, qui décide d’installer des tentes sur une des pelouses de l’université. Face à cette violation du règlement intérieur - le groupe s’était aussi barricadé dans un bâtiment -, Nemat Shafik a décidé de faire intervenir la police new-yorkaise le 30 avril, une première depuis 1996.
Quelles sont les universités touchées ?
En un peu moins de deux semaines à partir du 8 octobre, des "camps" pro-palestiens ont émergé sur plus de 80 campus, couvrant deux tiers des Etats américains. Particulièrement forte dans le nord-est du pays (Columbia, Yale, NYU et Northeastern university), la mobilisation gagne peu à peu le Texas, l’Arizona et la Californie. À l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, un groupe d’étudiants a par exemple hissé un drapeau palestinien au centre du campus, avant que la police ne remette en place les couleurs des Etats-Unis. Une vingtaine d’universités ont aussi eu recours aux forces de l’ordre pour intervenir, comme l’UCLA, à Los Angeles, où Columbia, à New York, ces dernières heures.
Au total, plus de 900 personnes ont été déjà arrêtées, dont une centaine à Northeastern (Boston), à USC (Los Angeles) et à Columbia. Dans cette dernière, la fille de l’élue démocrate à la Chambre des représentants, Ilhan Omar, aurait été assignée à comparaître en justice, selon le New York Times. Lors d’une visite sur le camp du campus la semaine dernière, l’élue aurait suggéré que "certains étudiants juifs soutenaient le génocide [commis à Gaza]".
Quelles sont les revendications du mouvement ?
Si la totalité des étudiants mobilisés exigent un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, beaucoup enjoignent également leur université à couper les ponts avec les entreprises et mécènes liés à Israël, une injonction refusée par Columbia. De son côté, l’université Brown, située dans l’Etat du Rhode Island, est parvenue le 30 avril à un accord avec ses étudiants, raconte le New York Times. Alors que les manifestants pro-palestiniens ont accepté de démanteler leur campement sur le campus, les dirigeants de l’université ont déclaré qu’ils discuteraient sur le retrait des fonds des entreprises soutenant la campagne militaire israélienne, avant de procéder à un vote en octobre prochain.
Comment réagit la classe politique ?
À six mois de l’élection présidentielle, ce mouvement étudiant fait vivement réagir le monde politique. Joe Biden "doit faire quelque chose" contre ces "agitateurs", a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. "Il nous faut mettre fin à l’antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd’hui", a-t-il ajouté. "Alors que l’université Columbia est plongée dans le chaos, Joe Biden est absent parce qu’il a peur de s’attaquer au sujet", a pour sa part écrit sur X le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, dans la soirée. Il réclame depuis longtemps le départ de sa présidente, Minouche Shafik.
Si Joe Biden a bien condamné ces débordements dans un premier temps, le président se réfugie désormais derrière le premier amendement par la voix de la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre. "Le président considère que les débats sur les campus, où l’on peut s’exprimer librement et sans discrimination, sont importants. Mais les manifestations doivent être paisibles", a-t-elle récemment déclaré.